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Textes d’auteurs et sommeil
Quand je réveille mon chat, il a l’air reconnaissant de celui à qui on donne l’occasion de se rendormir. Yvan Audouard, Pensées Provisoirement Définitives (Le Cherche-midi Éditeur, 2002-02-14)
jeudi 28 juin 2007, par
Pour Platon, c’est le "Doux-sommeil"
Pour Montaigne, c’est le "sommeil_même"
Pour Proust c’est le "monde des rêves"
Pour Dali c’est le " sommeil serein de l’après-midi"
Écris par des dormeurs plus ou moins bien lotis, les textes colligés ici constituent une sorte de "Blog du passé".
Ils contiennent souvent des messages de bon sens à destination de tous les lecteurs intéressés par le sommeil.
Le sommeil, le rêve, la sieste, l’insomnie et la fatigue en sont les principaux mots-clés.
Cette collection s’enrichira au décours de des trouvailles littéraires des membres de l’association ProSmg (vous pouvez participer. Nda).
Nb. Prochainement : Emil Cioran :"L’insomnie, le plus grand drame qui puisse arriver",, et bien d’autres perles d’un insomniaque assumé.
Voir aussi les articles connexes de la rubrique : "Sommeil et littérature".
- "Histoire de la médecine et sommeil".
- "Ainsi parlais Zarathoustra".
- "La Prière de Maïmonide".
- "Les songes et la dorveille" (en préparation).
Textes d’auteurs et citations autour du sommeil
- ARISTOTE ;
- NIETZSCHE ;
- SAINT EXUPERY ;
- ALAIN ;
- HOMÉRE ;
- CÉLINE ;
- Guy de MAUPASSANT ;
- DICKENS ;
- VIRGILE
- MONTHERLANT ;
- VOLTAIRE ;
- VIRGILE ;
- Paul VALÉRY ;
- Stéphane MALLARMÉ ;
- Michel de MONTAIGNE ;
- Miguel de CERVANTES ;
- Comtesse de SEGUR ;
- Jean de La Fontaine ;
- Marcel PROUST ;
- Salvador DALI.
- ARISTOTE (384-322 av. J.C.)/ Psychologie, Opuscules, Traité du Sommeil et de la Veille (traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, Paris 1847).
- Friedrich Nietzsche à 52 ans (1844 - 1900)
- Friedrich NIETZSCHE
- Humain, trop humain (1878-1879) / Œuvres I
- Des chaires de la vertu" (1883) / Ainsi parlait Zarathoustra
-« Nous disons donc d’abord que la nature agit toujours en vue de quelque fin, et que cette fin est toujours un bien. .../... Par conséquent, le sommeil est donné aux animaux en vue de leur conservation. Mais la fin en vue de laquelle le sommeil a lieu, c’est la veille ; car, sentir et penser est la fin véritable de tous les êtres qui ont l’une ou l’autre de ces facultés, parce qu’elles sont leur plus grand bien, et que la fin de chaque être est toujours son bien le plus grand. Ainsi il faut nécessairement que la fonction du sommeil appartienne à tout animal sans exception.
Presque tous les animaux, autres que l’homme, ont comme lui la faculté du sommeil ; et cela peut se voir, et dans les volatiles et dans les animaux aquatiques et terrestres. En effet, on a observé le sommeil de toutes les espèces de poissons et de mollusques, ainsi que de tous les autres animaux qui ont des yeux. Ceux qui ont les yeux durs comme les insectes dorment
évidemment ainsi que les autres ; seulement, tous ces animaux dorment fort peu ; et voilà ce qui a fait souvent qu’on a pu douter pour plusieurs s’ils dorment ou s’ils ne dorment pas. Quant aux animaux recouverts de coquilles, on ne sait pas encore, par des observations directes, s’ils dorment réellement ; mais l’on s’en tiendra, sur ce point, à l’explication qu’on en donne, si on la trouve plausible ».
- « ... ce n’en n’est pas moins une loi nécessaire que tout être qui veille puisse aussi dormir ; car il est impossible d’être toujours en activité.
- « Il résulte donc évidemment de ce qui précède que le sommeil est une sorte de concentration de la chaleur au dedans, et une répercussion qui tient à la cause qu’on a dite. Voilà aussi pourquoi on se remue beaucoup dans le sommeil. Du moment qu’on commence à perdre connaissance, on se refroidit, et par suite de ce refroidissement les paupières s’abaissent ; ce sont les parties supérieures et celles du dehors qui deviennent froides ; mais les parties intérieures et celles d’en bas sont chaudes ; par exemple, les pieds et le dedans du corps ».
- « Voilà comment les hommes se couchent, quand la chaleur qui poussait en haut vient à être soustraite ; car l’homme est le seul des animaux qui se tienne debout ; et du moment que la chaleur retombe, on perd connaissance, et bientôt c’est l’imagination toute seule qui agit. Les explications que l’on vient de donner ici paraîtront-elles suffisantes pour rendre compte de la cause du refroidissement ? »
- « L’effet des narcotiques prouve bien ce que nous avançons. Tous les narcotiques donnent des pesanteurs de tête, ceux qu’on boit comme ceux qu’on mange : le pavot, la mandragore, le vin, l’ivraie ; frappés de vertiges et tout endormis, on voit alors les gens qui en ont pris ne pouvoir relever la tête ni ouvrir les paupières ; et c’est surtout après le repas qu’on est saisi de
ce sommeil pesant, parce que l’évaporation qui vient alors des aliments est considérable. .../... Il y a encore certaines maladies qui produisent le même effet, celles qui viennent d’un excès d’humide et de chaud ; et c’est ce qu’on observe dans la fièvre et dans les léthargies. .../.... Voilà aussi pourquoi le vin ne vaut rien aux enfants, non plus qu’à leurs nourrices ; car que ce soient les enfants eux-mêmes ou les nourrices qui en boivent, cela revient à peu près au même. Il faut que les enfants boivent le vin trempé de beaucoup d’eau et en petite quantité, parce que le vin est spiritueux, et surtout le vin de couleur foncée. Les parties supérieures du corps chez les enfants sont tellement pleines de nourriture que même à cinq mois ils ne peuvent pas encore tourner le cou. C’est que chez eux, de même que chez les gens qui sont tout à fait ivres, une quantité énorme d’humidité se porte en haut .../... Il faut que tout ce qui s’évapore monte jusqu’à un certain point, puis revienne en sens contraire, et subisse un changement comme les flots de l’Euripe [1] ».
- « En résumé, l’on peut dire que la cause qui fait dormir, c’est la répercussion énergique de la chaleur naturelle sur le principe sensible , et de l’enchaînement du principe sensible réduit à l’inactivité car il ne peut se conserver et vivre que grâce au repos que le sommeil lui procure ». (le principe sensible = la vigilance. Nda.)
« Chemin de l’égalité. - Une heure d’ascension dans les montagnes fait d’un gredin et d’un saint deux créatures à peu près semblables. La fatigue est le chemin le plus court vers l’égalité et la fraternité - et durant le sommeil la liberté finit par s’y ajouter ».
« Quand vient la nuit je me garde bien d’appeler le sommeil ! Il ne veut pas être appelé, lui qui est le maître des vertus !
Mais je pense à ce que j’ai fait et pensé dans la journée. En ruminant mes pensées je m’interroge avec la patience d’une vache, et je me demande : quelles furent donc tes dix victoires sur toi-même ?
Et quels furent les dix réconciliations, et les dix vérités, et les dix éclats de rire dont ton cœur s’est régalé ?
En considérant cela, bercé de quarante pensées, soudain le sommeil s’empare de moi, le sommeil que je n’ai point appelé, le maître des vertus. »
(Lire le texte intégral :).
"-Approche-toi que je te voie mieux, lui dit le roi qui était tout fier d’être roi pour quelqu’un.
Le petit prince chercha des yeux où s’assoir, mais la planète était toute encombrée par le magnifique manteau d’hermine. Il resta donc debout, et, comme il était fatigué, il bâilla.
Il est contraire à l’étiquette de bâiller en présence d’un roi, lui dit le monarque. Je te l’interdis.
Je ne peux pas m’en empêcher, répondit le petit prince tout confus. J’ai fait un long voyage et je n’ai pas dormi...
Alors, lui dit le roi, je t’ordonne de bâiller. Je n’ai vu personne bâiller depuis des années. les bâillements sont pour moi des curiosités. Allons ! bâille encore. C’est un ordre.
Ca m’intimide... je ne peux plus... fit le petit prince tout rougissant.
Hum ! Hum ! répondit le roi. Alors je... je t’ordonne tantôt de bâiller et tantôt de... Il bredouillait un peu et paraissait vexé.
Car le roi tenait essentiellement à ce que son autorité fût respectée. Il ne tolérait pas le désobéissance. C’était un monarque absolu. Mais comme il était très bon, il donnait des ordres raisonnables."
« De deux hommes faisant société, il est naturel que l’un soit chasseur et l’autre forgeron, ce qui crée des différences et un certain empire à chacun sur certaines choses et sur certains outils ; mais il ne se peut point que, de deux hommes, un seul soit toujours gardien du sommeil. C’est peu de dire qu’on aurait alors un gardien mécontent ; on aurait premièrement un gardien somnolent. Cette part de repos et de garde éveillée, la même pour tous, est sans doute la plus ancienne loi. Au surplus, il y a égalité pour la garde. Un enfant bien éveillé peut garder Hercule dormant.
Ne perdons pas l’occasion de dire une chose vraie. La force en cette relation, ne donne aucun avantage. Elle se trouve déchue par cette nécessité de dormir. Le plus fort, le plus brutal, le plus attentif, le plus soupçonneux, le plus redouté des hommes doit pourtant revenir à l’enfance, fermer les yeux, se confier, être gardé, lui qui gardait. »
Chant 3 : "Mais, dans la chambre haute, la sage Pènélopéia s’était couchée, n’ayant mangé ni bu, et se demandant dans son esprit si son irréprochable fils éviterait la mort, ou s’il serait dompté par les orgueilleux Prétendants. Comme un lion entouré par une foule d’hommes s’agite, plein de crainte, dans le cercle perfide, de même le doux sommeil saisit Pènélopéia tandis qu’elle roulait en elle-même toutes ces pensées. Et elle s’endormit, et toutes ses peines disparurent".
Chant 5 : "Si je montais sur la hauteur, vers ce bois ombragé, je m’endormirais sous les arbustes épais, et le doux sommeil me saisirait, à moins que le froid et la fatigue s’y opposent. Mais je crains d’être la proie des bêtes fauves".
Chant 6 : "Ainsi dormait là le patient et divin Odysseus, dompté par le sommeil et par la fatigue".
Chant 11 : "- Étranger, puisque tu m’interroges sur ces choses, écoute en silence et réjouis-toi de boire ce vin en repos. Les nuits sont longues et laissent le temps de dormir et le temps d’être charmé par les récits. Il ne faut pas que tu dormes avant l’heure, car beaucoup de sommeil fait du mal".
Chant 19 " Et la sage Pènélopéia dit de nouveau :
- Étranger, je t’interrogerai encore quelques instants ; car l’heure du sommeil est douce, et le sommeil lui-même est doux pour le malheureux. Pour moi, un Dieu m’a envoyé une grande affliction. Le jour, du moins, je surveille en pleurant les travaux des servantes de cette maison et je charme ainsi ma douleur ; mais quand la nuit vient et quand le sommeil saisit tous les hommes, je me couche sur mon lit, et, autour de mon cœur impénétrable, les pensées amères irritent mes peines."
Chant 20 : "On peut supporter son mal, quand, après avoir pleuré tout le jour, le cœur gémissant, on dort la nuit ;car le sommeil, ayant fermé leurs paupières, fait oublier à tous les hommes les biens et les maux. Mais l’insomnie cruelle m’a envoyé un Daimôn qui a couché cette nuit auprès de moi, semblable à ce qu’était Odysseus quand il partit pour l’armée. Et mon coeur était consolé, pensant que ce n’était point un songe, mais la vérité".
Chant 23 : "Et quand il eut tout dit, le doux sommeil enveloppa ses membres et apaisa les inquiétudes de son âme".
« Mon tourment à moi c’est le sommeil. Si j’avais bien dormi toujours j’aurais jamais écrit une ligne. »
16 mai. — Je suis malade, décidément ! Je me portais si bien le mois dernier ! J’ai la fièvre, une fièvre atroce, ou plutôt un énervement fiévreux, qui rend mon âme aussi souffrante que mon corps. J’ai sans cesse cette sensation affreuse d’un danger menaçant, cette appréhension d’un malheur qui vient ou de la mort qui approche, ce pressentiment qui est sans doute l’atteinte d’un mal encore inconnu, germant dans le sang et dans la chair.
18 mai. — Je viens d’aller consulter mon médecin, car je ne pouvais plus dormir. Il m’a trouvé le pouls rapide, l’œil dilaté, les nerfs vibrants, mais sans aucun symptôme alarmant. Je dois me soumettre aux douches et boire du bromure de potassium.
25 mai. — Aucun changement ! Mon état, vraiment, est bizarre. A mesure qu’approche le soir, une inquiétude incompréhensible m’envahit, comme si la nuit cachait pour moi une menace terrible. Je dîne vite, puis j’essaye de lire ; mais je ne comprends pas les mots ; je distingue à peine les lettres. Je marche alors dans mon salon de long en large, sous l’oppression d’une crainte confuse et irrésistible, la crainte du sommeil et la crainte du lit.
Vers dix heures, je monte dans ma chambre. A peine entré, je donne deux tours de clef, et je pousse les verrous ; j’ai peur... de quoi ?... Je ne redoutais rien jusqu’ici... j’ouvre mes armoires, je regarde sous mon lit ; j’écoute... j’écoute... quoi ?... Est-ce étrange qu’un simple malaise, un trouble de la circulation peut-être, l’irritation d’un filet nerveux, un peu de congestion, une toute petite perturbation dans le fonctionnement si imparfait et si délicat de notre machine vivante, puisse faire un mélancolique du plus joyeux des hommes, et un poltron du plus brave ? Puis, je me couche, et j’attends le sommeil comme on attendrait le bourreau. Je l’attends avec l’épouvante de sa venue ; et mon cœur bat, et mes jambes frémissent ; et tout mon corps tressaille dans la chaleur des draps, jusqu’au moment où je tombe tout à coup dans le repos, comme on tomberait pour s’y noyer, dans un gouffre d’eau stagnante. Je ne le sens pas venir, comme autrefois, ce sommeil perfide, caché près de moi, qui me guette, qui va me saisir par la tête, me fermer les yeux, m’anéantir.
Je dors — longtemps — deux ou trois heures — puis un rêve — non — un cauchemar m’étreint. Je sens bien que je suis couché et que je dors,... je le sens et je le sais... et je sens aussi que quelqu’un s’approche de moi, me regarde, me palpe, monte sur mon lit, s’agenouille sur ma poitrine, me prend le cou entre ses mains et serre... serre... de toute sa force pour m’étrangler.
Moi, je me débats, lié par cette impuissance atroce, qui nous paralyse dans les songes ; je veux crier, — je ne peux pas ; — je veux remuer, — je ne peux pas ; — j’essaye, avec des efforts affreux, en haletant, de me tourner, de rejeter cet être qui m’écrase et qui m’étouffe, — je ne peux pas !
Et soudain, je m’éveille, affolé, couvert de sueur. J’allume une bougie. Je suis seul.
Après cette crise, qui se renouvelle toutes les nuits, je dors enfin, avec calme, jusqu’à l’aurore.
- Fat Joe et le Pickwick Club de C. Dickens en 1837
Chap IV
« Enfin tout le monde éprouvait une exaltation prodigieuse, excepté le groom joufflu, qui dormait au tonnerre du canon aussi profondément que si ç’avait été la chanson habituelle de sa nourrice.
Lorsque la citadelle fut prise et qu’on servit à dîner au assiégeants et aux assiégés, le vieux gentleman s’écria : « Joe ! Joe ! Damné garçon, il est encore à dormir ! Soyez assez bon, monsieur, pour lui pincer la jambe, s’il vous plaît, c’est le seul moyen de le réveiller. Je vous remercie. Joe, défaites la bourriche. »
Le gros joufflu, qui avait été effectivement éveillé par la compression d’une partie de son mollet, entre le pouce et l’index de M. Winkle, se laissa de nouveau glisser à bas du siége et s’occupa à dépaqueter la bourriche, d’une manière plus expéditive qu’on n’aurait pu l’attendre de sa précédente inactivité. »
Chap. VII.
« Les fatigantes aventures de la journée, ou peut-être l’influence somnifère de l’histoire racontée par le ministre, opérèrent si fortement sur les nerfs de M. Pickwick qu’il était à peine au lit depuis cinq minutes, lorsqu’il s’endormit d’un sommeil profond. »
- Monsieur Pickwick
Chap. IX
« Tout le monde a éprouvé cet état désagréable dans lequel une sensation de lassitude corporelle lutte vainement contre l’insomnie : telle était la situation de M. Pickwick en ce moment.
Il se tourna sur un côté, puis sur l’autre ; il tint ses yeux fermés avec persévérance, comme pour s’engager à dormir : mais ce fut en vain. Soit que cela provint de la fatigue inaccoutumée qu’il avait soufferte, ou de la chaleur, ou du grog, ou du changement de lit, le sommeil s’enfuyait loin de ses paupières. Ses pensées se reportaient malgré lui et avec une obstination pénible sur les peintures effrayantes qu’il avait vues dans la salle d’en bas, sur les vieilles légendes qui avaient été racontées dans le cours de la soirée. Après s’être vainement agité pendant une demi-heure, il arriva à la triste conviction qu’il ne pourrait pas parvenir à s’endormir. Il se rhabilla donc en partie, regardant comme la pire des situations d’être étendu dans son lit à imaginer toutes sortes d’horreurs. Une fois habillé, il mit la tête à la fenêtre ; le temps était affreusement sombre : il se promena dans sa chambre ; elle était déplorablement solitaire.
Il avait fait quelques promenades de la porte à la fenêtre et de la fenêtre à la porte, lorsque le manuscrit du vieux ministre lui revint à la mémoire. C’était une bonne pensée. Si ce manuscrit ne l’intéressait pas, il pourrait toujours l’endormir. Notre philosophe le tira donc de la poche de sa redingote, approcha une petite table de son lit, moucha la chandelle, mit ses lunettes et s’arrangea pour lire ».
« Par là montent vers nous tous ces rêves légers,
Des erreurs de la nuit prestiges mensongers.
Les charmes du héros sont gravés dans son cœur.
La voix d’Énée encor résonne à son oreille,
Et sa brillante nuit n’est qu’une longue veille.
Anne, sœur bien-aimée,
Par quel rêve effrayant mon âme est comprimée ! »
« L’être humain est la proie de trois maladies chroniques et inguérissables : le besoin de nourriture, le besoin de sommeil et le besoin d’égards »
« Les songes ont toujours été un grand objet de superstition ; rien n’était plus naturel. Un homme vivement touché de la maladie de sa maîtresse songe qu’il la voit mourante ; elle meurt le lendemain : donc les dieux lui ont prédit sa mort.
Un général d’armée rêve qu’il gagne une bataille ; il la gagne en effet : les dieux l’ont averti qu’il serait vainqueur.
On ne tient compte que des rêves qui ont été accomplis ; on oublie les autres. »
Publius Vergilius Maro ( 70 av. J.-C.- 19 av. J.-C.) est un poète et écrivain latin du Ier siècle av. J.-C..
(Source Google livre)
Nox erat, et placidum carpebantfessa soporem
Corpora per terras , silvœque et sœva quierant
JEquora ; quum medio volvuntur sidera lapsu ;
Quum tacet omnis ager, pecudes , pictœque volucres ;
Quoeque lacus latè liquidos , quœque aspera dumis
Rura tenent, somno positce sub nocte silenti
Lenibant curas, et corda oblita laboram :
At non infelix animi Phœnissa.
Les astres de la nuit roulaient dans le silence ;
Eole a suspendu les haleines des vents ;
Tout se tait sur les eaux, dans les bois, dans les clrauips ;
Fatigué des travaux quî vont bientôt renaître,
Le tranquille taureau s’endort avec son maître ;
Les malheureux humains ont oublié leurs maux ;
Tout dort, tout s’abandonne aux charmes du repos :
Phénisse veille et pleure !
« La plus grande partie du corps ne parle que pour souffrir. Tout organe qui se fait connaître est déjà suspect de désordre. Silence bienheureux des machines qui marchent bien. »
« Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté -
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté -
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées -
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées. »
- Michel de Montaigne, 1553-1592 "Que sais-je"
- / Les Essais / Chapitre VI (p. 370) / De l’Exercitation.
« Ce n’est pas sans raison qu’on nous fait regarder à nostre sommeil mesme, pour la ressemblance qu’il a de la mort. Combien facilement nous passons du veiller au dormir (Avec combien peu d’interest nous perdons la connoissance de la lumière et de nous) A l’adventure pourroit sembler inutile et contre nature la faculté du sommeil qui nous prive de toute action et de tout sentiment, n’estoit que, par iceluy, nature nous instruict qu’elle nous a pareillement faicts pour mourir que pour vivre, et, dès la vie, nous présente l’eternel estat qu’elle nous garde apres icelle, pour nous y accoustumer et nous en oster la crainte. »
« Mais quand au jeune Marius, qui fit encore pis (car le jour de sa derniere journée contre Sylla, après avoir ordonné son armée et donné le mot et signe de la bataille, il se coucha dessoubs un arbre à l’ombre pour se reposer, et s’endormit si serré qu’à peine se peut-il esveiller de la route et fuite de ses gens, n’ayant rien veu du combat), ils disent que ce fut pour estre si extremement aggravé de travail et de faute de dormir que nature n’en pouvoit plus. Et, à ce propos, les médecins adviseront si le dormir est si nécessaire, que nostre vie en dépende : car nous trouvons bien qu’on fit mourir le Roy Perseus de Macedoine prisonnier à Rome, luy empeschant le sommeil ; mais Pline en allègue qui ont vescu long temps sans dormir. Chez Herodote, il y a des nations ausquelles les hommes dorment et veillent par demy années. Et ceux qui escrivent la vie du sage Epimenides, disent qu’il dormit cinquante sept ans de suite. »
« Il n’est rien qu’on doive tant recommander à la jeunesse que l’activeté et la vigilance. Nostre vie n’est que mouvement. Je m’esbranle difficilement, et suis tardif par tout : à me lever, à me coucher, et à mes repas ; c’est matin pour moy que sept heures, et, où je gouverne, je ne disne ny avant onze, ny ne soupe qu’apres six heures.
J’ay autre fois attribué la cause des fiévres et maladies où je suis tombé à la pesanteur et assoupissement que le long sommeil m’avoit apporté, et me suis tousjours repenty de me r’endormir le matin (Platon veut plus de mal à l’excés du dormir qu’à l’excés du boire) »
- « Platon veut plus de mal à l’excès du dormir qu’à l’excès du boire »
« Quant au grec, duquel je n’ai quasi du tout point d’intelligence, mon père desseigna me le faire apprendre par art, mais d’une voie nouvelle, par forme d’ébat et d’exercice. Nous pelotions nos déclinaisons à la manière de ceux qui, par certains jeux de tablier, apprennent l’arithmétique et la géométrie. Car, entre autres choses, il avait été conseillé de me faire goûter la science et le devoir par une volonté non forcée et de mon propre désir, et d’élever mon âme en toute douceur et liberté, sans rigueur et contrainte. Je dis jusques à telle superstition que, parce que aucuns tiennent que cela trouble la cervelle tendre des enfants de les éveiller le matin en sursaut, et de les arracher du sommeil (auquel ils sont plongés beaucoup plus que nous ne sommes) tout à coup et par violence, il me faisait éveiller par le son de quelque instrument ; et ne fus jamais sans homme qui m’en servît. »
- « Afin que le vrai sommeil (le "dormir même"), ne m’échappa point ainsi stupidement, j’ai autrefois trouvé bon qu’on me le troubla afin que je puisse l’entrevoir »
« Don Quichotte paya tribut à la nature en dormant le premier sommeil ; mais il ne se permit pas le second, bien au rebours de Sancho, qui n’en eut jamais de second ; car le même sommeil lui durait du soir jusqu’au matin, preuve qu’il avait bonne complexion et fort peu de soucis.
Ceux de don Quichotte le tinrent si bien éveillé, qu’à son tour il éveilla Sancho et lui dit : " ... Regarde la sérénité de cette nuit ; vois la solitude où nous sommes, et qui nous invite à mettre quelque intervalle de veille entre un sommeil et l’autre. "
... Je n’entends pas cela", répliqua Sancho ; mais j’entends fort bien que, tant que je dors, je n’ai ni crainte, ni espérance, ni peine, ni plaisir. Béni soit celui qui a inventé le sommeil, manteau qui couvre toutes les humaines pensées, mets qui ôte la faim, eau qui chasse la soif, feu qui réchauffe la froidure, fraîcheur qui tempère la chaleur brûlante, finalement, monnaie universelle avec laquelle s’achète toute chose, et balance où s’égalisent le pâtre et le roi, le simple et le sage. Le sommeil n’a qu’une mauvaise chose, à ce que j’ai ouï dire ; c’est qu’il ressemble à la mort ; car d’un endormi à un trépassé la différence n’est pas grande.
... Que votre Grâce versifie tant qu’il lui plaira, moi je vais dormir tant que je pourrai. Là-dessus, prenant sur la terre autant d’espace qu’il voulut, il se roula, se blottit et s’endormit d’un profond sommeil, sans que les soucis, les dettes et le chagrin l’en empêchassent. »
(El Quijote trastornado (Article) Analyse médicale, en 2005, du personnage littéraire Don Quichotte, et de son syndrome de manque de sommeil.
« Blaise avait réellement besoin de repos ; il avait à peine sommeillé pendant les sept jours du danger de Jules ; la nuit comme le jour, il était avec le comte, toujours au chevet du lit.
Le comte avait voulu plusieurs fois l’envoyer passer au moins une nuit chez ses parents, mais Blaise avait toujours refusé ; il se bornait à y courir matin et soir pour donner des nouvelles de Jules. pour se débarbouiller et changer de vêtements.
- Blaise raconta à ses parents tout ce qui s’était passé ce jour-là ; il s’étendit avec bonheur dans son lit, après avoir remercié le bon Dieu de ses bienfaits ; il ne tarda pas à s’endormir et ne se réveilla que le lendemain au grand jour. »
- La Fontaine gravé par F. Delannoy
Un savetier chantait du matin jusqu’au soir ;
C’était merveilles de le voir,
Merveilles de l’ouïr ; il faisait des passages,
Plus content qu’aucun des sept sages.
Son voisin, au contraire, étant tout cousu d’or,
Chantait peu, dormait moins encor.
C’était un homme de finance.
Si, sur le point du jour, parfois il sommeillait,
Le savetier alors en chantant l’éveillait ;
Et le financier se plaignait
Que les soins de la Providence
N’eussent pas au marché fait vendre le dormir,
Comme le manger et le boire.
En son hôtel il fait venir
Le chanteur, et lui dit : « Or çà, sire Grégoire,
Que gagnez-vous par an ? - Par an ? Ma foi, Monsieur,
Dit, avec un ton de rieur,
Le gaillard savetier, ce n’est point ma manière
De compter de la sorte ; et je n’entasse guère
Un jour sur l’autre, il suffit qu’à la fin
J’attrape le bout de l’année ;
Chaque jour amène son pain.
- Eh bien, que gagnez-vous, dites-moi, par journée ?
- Tantôt plus, tantôt moins : le mal est que toujours
(Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes),
Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours
Qu’il faut chômer ; on nous ruine en fêtes ;
L’une fait tort à l’autre ; et Monsieur le curé
De quelque nouveau saint charge toujours son prône. »
Le financier, riant de sa naïveté,
Lui dit : « Je vous veux mettre aujourd’hui sur le trône.
Prenez ces cent écus ; gardez-les avec soin,
Pour vous en servir au besoin. »
Le savetier crut voir tout l’argent que la terre
Avait, depuis plus de cent ans,
Produit pour l’usage des gens.
Il retourne chez lui ; dans sa cave il enserre
L’argent et sa joie à la fois.
Plus de chant : il perdit la voix,
Du moment qu’il gagna ce qui cause nos peines.
Le sommeil quitta son logis ;
Il eut pour hôtes les soucis,
Les soupçons, les alarmes vaines ;
Tout le jour il avait l’œil au guet ; et la nuit,
Si quelque chat faisait du bruit,
Le chat prenait l’argent. A la fin le pauvre homme
S’en courut chez celui qu’il ne réveillait plus :
« Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
Et reprenez vos cent écus. »
- Extrait de "la Recherche" sur le sommeil d’Albertine, intitulé « La regarder dormir » la Nouvelle Revue française, 1° décembre 1922, pp. 041-642.
- Avants textes d’après la transcription du Cahier 5 (1314) par Jo Yoshida, pour l’édition Gallimard (I, (HO) .
- À la recherche du temps perdu ; Volume I ; Du côté de chez Swann - 1913 (premières lignes du livre).
« On ne peut bien décrire la vie des hommes si on ne la fait baigner dans le sommeil où elle plonge et qui, nuit après nuit, la contourne comme une presqu’île est cernée par la mer » .
"je me rendormais au plus vite, comme une pomme ou un pot de confitures qui auraient été appelés un instant à la conscience et qui après avoir constaté qu’il fait nuit noire dans l’armoire et entendu le bois travailler, n’auraient rien eu de plus pressé que de
retourner à la délicieuse insensibilité de la planche où ils sont
posés, des autres pots de confiture et de l’obscurité"
(Nda. Une parfaite description de la léthargie médicamenteuse...).
" Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : " Je m’endors. " Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil, elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d’une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j’étais libre de m’y appliquer ou non ; aussitôt je recouvrais la vue et j’étais bien étonné de trouver autour de moi une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j’entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d’un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l’étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et le petit chemin qu’il suit va être gravé dans son souvenir par l’excitation qu’il doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour.
J’appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l’oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance. Je frottais une allumette pour regarder ma montre. Bientôt minuit. C’est l’instant où le malade, qui a été obligé de partir en voyage et a dû coucher dans un hôtel inconnu, réveillé par une crise, se réjouit en apercevant sous la porte une raie de jour. Quel bonheur, c’est déjà le matin ! Dans un moment les domestiques seront levés, il pourra sonner, on viendra lui porter secours. L’espérance d’être soulagé lui donne du courage pour souffrir. Justement il a cru entendre des pas ; les pas se rapprochent, puis s’éloignent. Et la raie de jour qui était sous sa porte a disparu.
C’est minuit ; on vient d’éteindre le gaz ; le dernier domestique est parti et il faudra rester toute la nuit à souffrir sans remède.
Je me rendormais, et parfois je n’avais plus que de courts réveils d’un instant, le temps d’entendre les craquements organiques des boiseries, d’ouvrir les yeux pour fixer le kaléidoscope de l’obscurité, de goûter grâce à une lueur momentanée de conscience le sommeil où étaient plongés les meubles, la chambre, le tout dont je n’étais qu’une petite partie et à l’insensibilité duquel je retournais vite m’unir.
Ou bien en dormant j’avais rejoint sans effort un âge à jamais révolu de ma vie primitive, retrouvé telle de mes terreurs enfantines comme celle que mon grand-oncle me tirât par mes boucles et qu’avait dissipée le jour - date pour moi d’une ère nouvelle - où on les avait coupées. J’avais oublié cet événement pendant mon sommeil, j’en retrouvais le souvenir aussitôt que j’avais réussi à m’éveiller pour échapper aux mains de mon grand-oncle, mais par mesure de précaution j’entourais complètement ma tête de mon oreiller avant de retourner dans le monde des rêves.
Quelquefois, comme Éve naquit d’une côte d’Adam, une femme naissait pendant mon sommeil d’une fausse position de ma cuisse. Formée du plaisir que j’étais sur le point de goûter, je m’imaginais que c’était elle qui me l’offrait. Mon corps qui sentait dans le sien ma propre chaleur voulait s’y rejoindre, je m’éveillais. Le reste des humains m’apparaissait comme bien lointain auprès de cette femme que j’avais quittée il y avait quelques moments à peine ; ma joue était chaude encore de son baiser, mon corps courbaturé par le poids de sa taille. Si, comme il arrivait quelquefois, elle avait les traits d’une femme que j’avais connue dans la vie, j’allais me donner tout entier à ce but : la retrouver, comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une cité désirée et s’imaginent qu’on peut goûter dans une réalité le charme du songe. Peu à peu son souvenir s’évanouissait, j’avais oublié la fille de mon rêve.
Un homme qui dort, tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes. Il les consulte d’instinct en s’éveillant et y lit en une seconde le point de la terre qu’il occupe, le temps qui s’est écoulé jusqu’à son réveil ; mais leurs rangs peuvent se mêler, se rompre. Que vers le matin après quelque insomnie, le sommeil le prenne en train de lire, dans une posture trop différente de celle où il dort habituellement, il suffit de son bras soulevé pour arrêter et faire reculer le soleil, et à la première minute de son réveil, il ne saura plus l’heure, il estimera qu’il vient à peine de se coucher. Que s’il s’assoupit dans une position encore plus déplacée et divergente, par exemple après dîner assis dans un fauteuil, alors le bouleversement sera complet dans les mondes désorbités, le fauteuil magique le fera voyager à toute vitesse dans le temps et dans l’espace, et au moment d’ouvrir les paupières, il se croira couché quelques mois plus tôt dans une autre contrée. Mais il suffisait que, dans mon lit même, mon sommeil fit profond et détendît entièrement mon esprit ; alors celui-ci lâchait le plan du lieu où je m’étais endormi, et quand je m’éveillais au milieu de la nuit, comme j’ignorais où je me trouvais, je ne savais même pas au premier instant qui j’étais ; j’avais seulement dans sa simplicité première, le sentiment de l’existence comme il peut frémir au fond d’un animal ; j’étais plus dénué que l’homme des cavernes ; mais alors le souvenir non encore du lieu où j’étais mais de quelques-uns de ceux que j’avais habités et où j’aurais pu être - venait à moi comme un secours d’en haut pour me tirer du néant d’où je n’avais pu sortir tout seul ; je passais en une seconde par dessus des siècles de civilisation, et l’image confusément entrevue de lampes à pétrole, puis de chemises à col rabattu, recomposaient peu à peu les traits originaux de mon moi. "
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"Pour pratiquer le « sommeil avec une clé » , asseyez-vous dans un fauteuil osseux, de préférence de style espagnol, la tête renversée appuyée sur le cuir tendu du dossier.
Vos deux mains doivent pendre en dehors des bras du fauteuil auxquels les vôtres seront soudés dans un affaissement de totale relaxation.
- "ce moment fugitif, où vous avez à peine perdu conscience"
- La sieste flash selon Dali
Dans cette position, vous tiendrez une lourde clé que vous garderez suspendue, serrée délicatement entre les extrémités du pouce et de l’index de votre main gauche.
Sous la clé, vous aurez au préalable placé par terre une assiette à l’envers.
Ayant terminé ces préparatifs, vous n’aurez qu’à vous laisser envahir progressivement par le sommeil serein de l’après-midi, comme la goutte spirituelle d’anisette de votre âme montant dans le cube de sucre de votre corps.
Lorsque la clé tombera de vos doigts, le bruit de sa chute sur l’assiette retournée vous réveillera sûrement, et vous pouvez être sûr également que ce moment fugitif, où vous avez à peine perdu conscience, et pendant lequel vous ne pouvez pas être certain d’avoir vraiment dormi, est entièrement suffisant vu que vous n’avez pas besoin d’une seconde de plus pour que votre être physique et psychique tout entier soit reposé.
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Mon grand ami le peintre José Maria Sert, m’expliqua, dans une conversation mémorable sur les différents types de sommeil selon les arts, que "le somme avec une clé" était traditionnellement pratiqué par les peintres aviso des dessins architectoniques [2], qui avaient besoin, pour exercer leur métier, d’une main exceptionnellement sûre et calme."
- Quelques liens externes pour en savoir plus...
[1] Le détroit de l’Euripe est un bras de la mer Égée, en Grèce, qui sépare l’île d’Eubée de la Béotie, dont les courants marin s’inversent plusieurs fois par jour.
[2] En philosophie, l’architectonique est la coordination scientifique de tous les savoirs ou des diverses parties d’un système. Le terme a d’abord été utilisé par Aristote dans L’Ethique à Nicomaque : la politique est l’art de l’architectonique, qui organise les activités de la Cité.