Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Jetlag ou décalage horaire du voyageur

Un traumatisme des rythmes biologiques qui impose une parfaite connaissance des mécanismes du sommeil.

, par guilhem

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Le jetlag est un terme d’origine anglaise (de jet : avion, et lag : décalage), utilisé pour désigner l’ensemble de troubles liés à la désynchronisation des horloges biologiques à la suite d’un déplacement en avion à travers, au moins, trois fuseaux horaires.

Ce décalage brutal des rythmes internes, et du temps externe, constitue un véritable traumatisme car l’organisme oppose beaucoup d’inertie à la modification des signaux du temps externe (jour/nuit).
Le dépassement des capacités d’adaptation de l’équilibre veille-sommeil peut provoquer, de manière souvent retardée, des troubles physiques et psychiques similaires à ceux que l’on observe chez les personnes qui ne s’adaptent pas au travail de nuit (fatigue, irritabilité, déshydratation, ronflement, douleurs et troubles fonctionnels, insomnie et/ou accès de somnolence diurne).

C’est pourquoi la gestion du jetlag suppose une excellente connaissance des mécanismes de régulation du sommeil.

La période d’adaptation peut être très longue et se compliquer de réactions chaotiques à distance, un peu comme celles qu’on observe dans l’océan et qui aboutissent à la création des grandes vagues qualifiées de "scélérates" (Cf. le lien Ifremer en bas de page.).

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C’est bien là le danger des vagues scélérates : elles surviennent au moment où on ne croit pas en être menacé...


Nous utilisons le néologisme "somnicament" pour désigner les moyens naturels qui permettent d’agir sur les horloges biologiques.
Ils peuvent aider le voyageur à rester en forme après un décalage horaire, à condition de bien savoir quand et comment les utiliser pour aider l’organisme à retrouver l’état d’équilibre.


Vers l’Ouest ou vers l’Est ?
Plus de trois semaines ou moins de huit jours ?
En vacances ou en temps de travail ?
Plutôt coq ou plutôt hibou ?
Cf. Quel type de dormeur, êtes-vous donc ?.

Conseils pratiques d’hygiène du sommeil pour la préparation et l’adaptation du voyageur au décalage horaire (jetlag).

Un vol transméridien (vers l’est ou l’ouest) de plus de trois heures provoque un déphasage biologique qui peut être à l’origine de nombreux troubles fonctionnels.
Le tableau est bien connu des spécialistes de la chronobiologie sous le nom de "jetlag".
Dans sa forme complète, le jetlag est une sensation de fatigue (physique et intellectuelle) associée à des douleurs et à des troubles fonctionnels, que l’on observe en cas de désynchronisation des rythmes de sommeil.

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Décalage horaire de 6 heures pour deux semaines aux Antilles

Le jetlag que subissent les voyageurs qui franchissent ainsi plusieurs fuseaux horaires est un véritable traumatisme chronobiologique car l’organisme de nos ancêtres n’avait pas « prévu » que nous serions un jour capables d’aller plus vite que la course (de la lumière) du soleil autour de la terre.

Quelques conseils pratiques aux voyageurs...

"La nature, pour être maîtrisée, doit être obéie" disait Francis Bacon au 17° siècle.
Dans le cas du jetlag, il s’agit en fait d’apprendre à désobéir aux règles qui sous-tendent les mécanismes de l’horloge interne.
Voir l’article "Devoir dormir", chronobiologie du sommeil.

  • Dormez bien avant le départ.
    Il est tout à fait recommandé de se mettre en condition pour pouvoir faire la sieste l’après-midi avant le départ. Même si vous ne dormez pas, cela aura un effet bénéfique sur l’adaptation à vos nouveaux horaires. Un voyage commencé dans des conditions d’insuffisance du sommeil sera beaucoup plus mal supporté.
  • Évitez la consommation d’alcool à cause de son effet néfaste (direct et indirect) sur les cycles du sommeil.
    Avant le départ, alimentez-vous et surtout pensez à boire plus d’eau que d’habitude (la privation de sommeil déshydrate, vous éviterez peut-être une colique néphrétique ou un problème de constipation).


    Dans l’avion, évitez les repas copieux.
    Des études récentes mettent l’accent sur l’intérêt d’un jeûne prolongé à bord de l’avion.
    Une étude anglaise récente suggère qu’il est même préférable de jeûner entièrement dans l’avion et de ne s’alimenter qu’à l’arrivée (Cf. sur le forum du site, et en "doc" de bas de page).

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    Dans l’avion, préférer la sieste au repas ...
  • Si vous séjournez à votre point de destination pendant plus de quelques jours, essayez de convaincre votre corps de rester éveillé et actif durant les heures de clarté et respectez le plus vite possible les rythmes de repas du nouveau fuseau horaire.
    Si, au contraire, votre voyage ne dure pas plus de quelques jours dans le nouveau fuseau horaire, vous irez mieux si vous arrivez à conserver le rythme de vie que vous aviez chez vous avant votre départ (quitte à paraître un peu discourtois). Ce sera pour vous l’équivalent d’une courte période de travail de nuit et la bonne gestion de la sieste vous aidera à gérer la dette.
  • Le café peut être utile si nécessaire à l’arrivée mais il faut savoir tenir compte de sa durée d’action d’au moins 4 à 6 heures.
  • L’utilisation d’ampoules de luminothérapie est validée dans le cadre de l’adaptation aux décalages horaires.

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    Effet de réponse en phase des somnicaments
    (contact sociaux, repas, lumière, et sport)

  • L’exercice modéré aide à améliorer la qualité du sommeil et l’adaptation au nouveau fuseau horaire. Son effet, éveillant et synchronisateur, est potentialisé par la luminothérapie et les autres somnicaments.
    D’une manière générale, la pratique minimale d’une activité sportive (20 mn 4 fois par semaine) est suffisante pour améliorer l’état de santé et accroître la tolérance au stress.
  • Les somnifères à condition que leur usage soit justifié et dans la mesure où le sujet "connaît" le sommeil, peuvent être des outils de "mise à l’heure", avant ou après le voyage.
    En pratique, il ne doivent être utilisés que ponctuellement : une à trois prises maximum pour « forcer » le corps à s’endormir selon le nouvel horaire.
    Il est toujours préférable d’anticiper sur le nouveau rythme quelques jours avant le départ afin de se coucher au rythme local dès l’arrivée.


    Par contre est strictement INTERDITE la prise d’un "somnifère d’action rapide" au cours des voyages en avions longs courriers.

    Le « sommeil médicamenteux » au cours d’un vol long courrier présente de très nombreux inconvénients :
    - risque de somnolence excessive
    - risque de troubles du comportement en cas de réveil provoqué (c’est-à-dire non spontané), par exemple à l’arrivée à destination ou en cas de difficulté au cours du vol.
    - risque d’intolérance au mélange avec l’alcool (largement proposé aux voyageurs lors des vols long-courriers...)
    - risque de sensibilité particulière... L’expérience malheureuse du présentateur J.L. Delarue est symptomatique des risques de « comportements somnambuliques complexes », apparemment spécifiquement liés aux nouvelles molécules "pour dormir" présentées comme inoffensives et malheureusement souvent préconisées par incompétence pour les longs voyages. Voir l’article Danger des nouveaux somnifères.
    - risque de phlébite, lié à l’immobilité prolongée des jambes en position assise, et augmenté par la déshydratation que provoque l’usage des somnifères et des tranquillisants.


De nombreuses études bien conduites (chez des pilotes d’avion notamment) montrent que la mélatonine (prise oralement) semble inefficace pur combattre le jetlag.
La recherche actuelle porte sur des récepteurs cérébraux analogues aux récepteurs à la mélatonine utilisée contre l’insomnie et la dépression.
De manière plus anecdotique, une étude récente de l’université nationale de Quilmes, à Buenos Aires (Argentine), montre très sérieusement que chez le hamster, de faibles doses de Viagra° (sildenafii) divisent par deux la durée de l’adaptation à un raccourcissement du temps (c’est-à-dire comme pour un voyage vers l’est). (Cf. lien en bas de page).

Inertie du système : souple ou rigide ?

Quelles que soient les capacités individuelles d’adaptation aux rythmes imposés, la synchronisation interne nécessite plusieurs jours.

En cas de vol transméridien supérieur à cinq heures, le phénomène de décalage horaire produit une désynchronisation plus ou moins persistante sur les différents rythmes internes. :

  • - Cycle sommeil-éveil : re-cadrage en 2 jours
  • - Température du corps : re-cadrage en une semaine [1]
  • - Sécrétion du cortisol : recadrage en 15 - 20 jours.

Le sens du voyage a une grande importance.

L’organisme s’adapte mieux aux voyages vers l’ouest qu’aux voyages vers l’est. Une étude chez le rongeur a constaté que les "avances de temps" (voyage vers l’est) ont davantage raccourci la vie de ces animaux que les "retards de temps" (voyage vers l’ouest).

  • Vers l’Ouest (Paris/Pointe-à-Pitre), le cerveau doit compenser une « journée solaire » rallongée de 6 heures. Il doit donc retarder les horloges de la somnolence du soir jusqu’au nouveau rythme.
    On a coutume de dire qu’il faut environ un jour par heure de décalage, soit au mieux 6 jours pour un vol vers les Antilles, par exemple.

    Ce décalage vers l’ouest est plus rapide et mieux supporté que dans le sens inverse.

  • Vers l’Est, le retour des vacances aux Antilles par exemple, le cerveau « perd » 6 heures sur la journée et il est plus difficile de raccourcir la période du balancier que de la rallonger. Si le sujet a une tendance au retard de phase, il arrive que le décalage se fasse en rallongeant la période de plus 18 heures ! (24 - 6 ).
    Ainsi, chez certaines personnes, le jetlag provoqué par des vacances aux Antilles peut engendrer des troubles fonctionnels pendant plusieurs mois.

Dans l’idéal : il est préférable d’arriver en soirée dans le pays d’accueil de manière à pouvoir se coucher pour la nuit après un repas riche en protéines (pour interrompre le jeûne qu’on aura pris soin de respecter dans l’avion).

Une animation interactive du Double-Balancier-du-Sommeil.

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La balance du sommeil : un système en équilibre instable

Un exemple des mouvements que peuvent provoquer les modifications brutales comme le jetlag ou la dette de sommeil d’un travailleur de nuit.
Conception G Tulloue (sous flashplayer 8) Il faut déplacer les curseurs pour modifier l’équilibre instable du système.
Cette animation permet de comprendre les mécanismes du système de régulation du sommeil et les paramètres à connaître pour savoir dormir.



Voir l’article Atelier du sommeil.
On peut modéliser les effets d’un jetlag (ou d’autres situations) sur la "Balance-du-Sommeil®"..

- Vers l’Ouest, il faut allonger la période de l’horloge circadienne d’une heure (curseur sur 25).
- Vers l’Est, il faut la raccourcir au maximum (curseur à 23).

On voit que le ressort (qui représente la force d’entraînement et d’inertie du système) doit être assez tendu pour que le système reste stable.
Dans le cas contraire (fragilité génétique ou consommation de sédatifs), les forces d’interaction entre les deux balanciers sont insuffisantes et on assiste à leur déphasage progressif aboutissant à un signal de fatigue.

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Consulter assi l’article sur les somnicaments : la sieste, la lumière, la chaleur, le repas et ... le plaisir... sont des moyens naturels qui permettent d’agir sur le rythme veille-sommeil.



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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1L’heure du minimum thermique du cerveau correspond à la période de somnolence maximum (appelée parfois la "Zone Zzz").
normalement, elle se situe environ trois heures avant l’heure du réveil, soit vers 4h du matin.
En cas de jetlag, cette zone se déplace d’autant que le nombre de fuseaux horaires traversés.
Exemple :
- De Montpellier vers Pointe à Pitre (-6h), un pic de somnolence survient vers 22h pendant plusieurs jours.
- De Pointe à Pitre vers Montpellier (+6h), un coup de barre survient vers 10h du matin.
Il est prudent de s’abstenir de conduire un véhicule au cours de la Zone Zzz.