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Pseudo Faux-malade
"Ces cas dont la guérison n’exige aucune autre intervention que cette puissance que possède l’esprit sur le corps."
La foi qui guérit (la "faith-healing") Jean Martin Charcot (Éd. Félix Alcan, Paris, 1897).
mercredi 27 juin 2007, par
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En condition expérimentale de décalages horaires répétés, on observe l’apparition de troubles fonctionnels (douleurs, vertiges, migraines) assez similaires à ceux qui restent souvent inexpliqués en médecine générale.
Nous employons l’expression "Vrai Faux-malade" pour désigner les malades bien réels qui souffrent (sans le savoir) d’un trouble de l’efficacité du sommeil, mais qui, en l’absence de diagnostic, se sentent un peu considérés comme des "faux malades".
Le "Vrai Faux-malade" est vraiment en souffrance, mais, parce que sa maladie ne trouve pas d’explication convaincante, on s’accorde souvent à penser que "c’est dans la tête..."
Selon notre éclairage, la plupart de ces troubles traduisent une inefficacité du sommeil (Cf. "Syndrome d’hyposommeil") en relation avec des perturbations chronobiologiques qui restent longtemps invisibles.
Un terrible malentendu ?
D’après nous, il n’existe pas de faux malade !
- La fatigue conduit peu à peu à rechercher le sommeil à n’importe quel prix, ce qui entraine des erreurs comportementales à l’origine de la majorité des insomnies (Cf. "Vouloir dormir).
- La résistance nerveuse occasionne de nouveaux troubles fonctionnels neurodystoniques qui resteront à leur tour inexpliqués malgré plusieurs avis médicaux.
Voir aussi l’article : "Système d’alarme de la fatigue".
- Three Men in a Boat ... Jérome K Jérome 1889)
Hypocondrie ou maladie psychosomatique ?
- Fragment du frontispice de l’Encyclopédie : on y voit la Vérité rayonnante de lumière ; à droite, la Raison et la Philosophie lui arrachent son voile (Wikipédia)
Le Faux malade, c’est c’est celui qui « imagine » souffrir d’une maladie et qui consulte sans cesse dans l’espoir de guérir grâce à la « Science ».
- Un terrible malentendu ?
Le terme "hypocondriaque" remonte à l’époque (lointaine et obscure) où l’on définissait la maladie par son siège : souffrir de la région située en dessous des côtes, était nommé « hypocondrie (du grec Hypo=sous, et -khondros = cartilage des cotes). De nos jours on parle plus volontiers de colopathie fonctionnelle ;
- de même, souffrir de l’utérus était appelé « hystérie » ;
- et l’angine de poitrine (ou angor) désigne l’irradiation vers la gorge d’une douleur d’origine cardiaque.
Il a fallu la découverte de l’inconscient (le 3° traumatisme de l’humanité après les découvertes de Galilée et de Darwin, [1]), pour que le modèle biomédical (organiciste) qui prévalait jusqu’au siècle des Lumières (XVIIIe) soit remis en question par les théories psychanalytiques (et la notion de maladies « psychosomatiques »).
On évoque, dans les écoles de médecine, des malades qui souffrent de maux répétés, qu’aucun bilan ne mettra à jour, et pour lesquels on ne dispose que de traitements symptomatiques (utilisés pour soulager le symptôme, mais sans nécessairement en comprendre la cause).
Le terme "psychosomatique" aurait été utilisé pour la première fois au début du XIXe siècle par le psychiatre allemand Johann Heinroth (1773-1843) pour désigner ces maladies que l’on considère aujourd’hui en rapport avec des conflits d’ordre psychique.
Les limites actuelles de ce concept sont très larges puisqu’elles vont depuis le simple symptôme isolé (migraine, lumbago, palpitation, vertige...), jusqu’à des manifestations plus spectaculaires comme le syndrome de Münchausen ou la simulation hystérique. [2] (la plupart des médecins considèrent que des tableaux comme la "Spasmophilie" ou la "Fibromyalgie" en feraient partie).
Le Pseudo faux malade est donc le malade « imaginaire » cher à Molière ; celui qui a toujours mal quelque part et qu’aucun traitement conventionnel ne soulagera. On le décrit comme un grand consommateur de soins mais ses nombreuses lectures (souvent mal interprétées) en font un interlocuteur privilégié, certes, mais aussi redoutable, pour le corps médical.
La qualité de la relation médecin malade est, ici plus qu’ailleurs, essentielle.
« Ce n’est pas le remède qui soigne le malade, c’est la main qui le donne ! » a-t-on coutume de dire aux étudiants en médecine.
Tant que cette « alchimie » est efficiente, le binôme est satisfait.
Le patient a l’impression d’être pris au sérieux et répond favorablement au traitement (allopathique ou non) « utilisé pour ... , ... en l’absence d’activité spécifiquement démontrée » (selon la formule consacrée dans le dictionnaire Vidal° des médicaments).
Mais l’épuisement de l’effet placebo est bien connu et, tôt ou tard, l’inquiétude ressurgit malgré le traitement.
- Soit par rechute du problème initial, (- "Le magnésium, je ne le garde pas, je le perds de partout").
- Soit par l’apparition d’un nouveau motif de préoccupation qui impose un nouvel avis médical, et encore plus de médicaments. (- "Avant j’étais spasmophile mais là c’est plus grave ...").
La répétition de ce schéma est suffisamment certaine , pour qu’arrive le moment où le médecin sera mis en échec.
Cette rupture de la relation médecin-malade est bilatérale :
- Dr Knock "cela vous chatouille ou cela vous gratouille ?"
- d’un côté le patient n’a plus confiance et ressent le besoin d’aller voir ailleurs :
- un nouveau spécialiste de plus grande renommée ("personne ne savait ce que j’avais jusqu’à ce que le grand professeur me trouve une forme fruste d’une maladie rare")
- ou une nouvelle médecine dite « alternative » (à juste titre) ; - de l’autre, le médecin se sent frustré dans sa « fureur thérapeutique » (on a désigné ainsi cette angoisse de la maladie qui est à l’origine de la vocation des thérapeutes). Conscient des limites de son action et un peu vexé dans son désir de réussir, il songe plus ou moins inconsciemment, à se débarrasser de ce "malade qui ne veut pas guérir".
- " Je suis handicapée par ma douleur mais personne ne veux me soigner !" disait cette dame, pourtant grande consommatrice de médecine parallèle...
- "Je ne tiens pas un hotel-restaurant ..." (Jérome K Jérome)
De lourdes conséquences financières ...
Dans une société comme la nôtre, où l’offre de soins est hypertrophiée, il se produit le phénomène du « zapping » médical.
Le Pseudo faux malade répète à l’envi les bilans et les consultations spécialisées. Cette situation, commune aux pays riches, a pris, en France (favorisée par des remboursements généreux de la Sécurité Sociale) des proportions telles que les responsables politiques ont tenté de réagir par des campagnes de sensibilisation destinées à culpabiliser les protagonistes :
- - des slogans sur le thème « un médicament, ça ne se prend pas à la légère » en direction des malades qui consomment trop ;
- - les premières entorses à la (sacro-sainte) liberté de prescription avec la parution en 1989 des « RMO » les Références Médicales Opposables (par les Caisses de Sécurité Sociale) en direction de médecins qui prescriraient trop ou mal.
En pratique, ces campagnes se sont avérées parfaitement inefficaces en terme d’économies, et ont contribué à décrédibiliser la rigueur de la médecine conventionnelle (à tort ou à raison).
Un ministre disait très récemment (en 2007) sur une radio publique "les ventes de médicaments génériques n’ont qu’un effet très mineur sur le budget de la Sécurité Sociale. Ces campagnes n’ont pas d’autre but que de contribuer à faire évoluer les mentalités pour faire comprendre aux gens que la santé a un prix".
Tout laisse donc à penser que le "Pseudo faux malade" qui se soigne pour une "fausse vraie-maladie" va, à très court terme, devoir le payer de sa poche.
Les mesures d’économies prises en 2008 (en France), en sont un exemple de plus.
Cette tendance à culpabiliser d’avantage ces malades (pourtant épuisés de fatigue) est symptomatique de la façon dont les décideurs les considère. Certaines personnes seraient donc consommatrices de soins par habitude, sinon par plaisir ?.
De lourdes conséquences cognitives ...
Pour ne plus "prescrire à la légère", le médecin, conscient qu’il vaut mieux continuer à suivre son patient, se tourne vers les thérapeutiques "alternatives" (souvent moins coûteuses et très souvent moins dangereuses).
Mais , cette caution scientifique que l’on offre ainsi à certaines pratiques illusoires porte les germes d’une dangereuse dérive vers des pratiques sectaires. Elle explique, en partie, la montée de la pensée irrationnelle que les sociologues constatent jour après jour. ( [3].).
Mais, qu’en est-il à la lumière de la médecine du sommeil ?
Selon notre éclairage de somnologue, ce malade, que le corps médical (ou l’entourage) qualifie volontiers de "faux malade", d’hypocondriaque, ou de malade "imaginaire", souffre souvent, en réalité, d’un sommeil inefficace. Ses symptômes s’intègrent dans un large tableau que nous avons qualifié de "syndrome d’hyposommeil". (Cf.).
Dans cette optique, c’est plus probablement un authentique vrai malade du sommeil.
Nous utilisons donc le terme de « Pseudo faux malade » pour désigner les sujets qui souffrent de pathologies cataloguées "psycho-somatiques", ou imaginaires, alors qu’ils subissent les contrecoups permanents d’un chaos chronobiologique responsable d’une sensation de fatigue et de troubles fonctionnels souvent très invalidants.
Nous pensons donc que la notion de "faux malade" est un mauvais procès intenté à des malades victimes d’un profond malentendu :
- D’une part, il serait étonnant que des personnes en bonne santé acceptent de subir des examens (souvent désagréables) ou de prendre quotidiennement des médicaments uniquement pour se rassurer. Si cela était, l’effet placebo fonctionnerait à long terme, ce qui n’est pas le cas.
- Présentation en 1886 d’un cas de "grande hystérie" par Charcot
Les malades qualifiés « hypocondriaques » sont donc de vrais malades !
Selon nous, leur angoisse est fondée, ils cherchent simplement à comprendre et à traiter des symptômes bien réels.
Est-il obsessionnel d’avoir peur de la maladie ?
Cela peut sembler l’être pour qui ne ressent pas d’anomalie, mais c’est bien légitime lorsque les organes ne sont plus « silencieux » (comme disait Leriche : "la santé c’est le silence des organes").
Il ne nous semble pas « obsessionnel de courir les médecins ou les services d’urgences » lorsqu’on est conscient des maladies potentielles qu’ils pourraient aider à dépister et à soigner. - D’autre part, il est inexact de prétendre que si rien dans le bilan n’explique le symptôme, c’est que la maladie est « imaginaire » et « psychologique ». Ce concept de maladie psychosomatique ne débouche sur aucune solution durable car rassurer un patient sur la non gravité de ses troubles ne les fait pas disparaître. Nier la réalité de la maladie engage le malade à consulter à nouveau ou ailleurs jusqu’à perdre toute confiance dans la médecine conventionnelle et se tourner vers des solutions alternatives.
Cette rupture de la relation médecin-malade est, en elle-même, contre productive, car il vaut mieux garder son patient plutôt que de le voir se tourner vers des chimères.
Cela signifie qu’il vaut parfois mieux pratiquer la « langue de bois » pour donner un sens au symptôme, plutôt que de mettre la relation en échec en affirmant qu’il n’y a "rien du tout"...
Voilà pourquoi beaucoup de médecins se trouvent en situation de rallonger les ordonnances, comme si un "médicament se prenait à la légère" [4] .
Selon notre éclairage la majorité des "troubles fonctionnels médicalement inexpliqués" sont consécutifs à un déséquilibre chronobiologique qui induit un sommeil inefficace. (Voir l’article "Le train du syndrome d’hyposommeil".
Les symptômes, associés à la fatigue, qui constituent le "syndrome d’hyposommeil" sont tellement variés qu’il est très facile d’en faire "cadrer" quelque-uns dans un grand nombre de pathologies lésionnelles.
Le désir (réciproque) de donner un sens aux symptômes favorise ainsi grandement les biais qui aboutissent à un diagnostic par excès.
(Voir l’article "Le train du syndrome d’hyposommeil").
La difficulté est d’autant plus grande qu’il peut y avoir coexistence de troubles effectivement liés à une pathologie réelle et des signes d’un sommeil inefficace. Il devient très difficile de faire la part des choses dans un système médical où l’obligation de moyen et la prévention à outrance sont de règle (on acceptera bien plus facilement la survenue d’effets indésirables connus que les conséquences éventuelles d’une attitude plus attentiste).
"... La découverte d’une anomalie radiologique ou biologique mineure, la discordance des avis médicaux reçus, la crainte d’être considéré comme un malade imaginaire et la revendication d’un statut de malade parachèvent, dans le pire des cas, cette « construction » dans laquelle les médecins, et en tout cas l’idéologie médicale (qui promeut dans la société la croyance que tout symptôme doit avoir une cause et que toute souffrance relève de la médecine) sont rarement innocents".
Pr. A. El Maghraoui (Septembre 2003).
(Centre de Rhumatologie et Rééducation Fonctionnelle, Hôpital Militaire Mohammed V, Rabat)Cette "organicisation coûte que coûte" débouche sur une situation diamétralement à l’inverse du Pseudo faux malade :
C’est la situation du "Pseudo vrai malade".
Ici, le corps médical "pêche par excès de zèle" et comme un bilan très poussé est rarement normal à 100%, le médecin et le malade seront satisfaits de trouver un sens, une explication médicale en cohérence avec la plainte.
On pose un diagnostic et il y a (enfin) une vraie maladie à soigner...
"Les hommes croient ce qu’ils désirent"...
Le Pseudo vrai malade présente des symptômes qui correspondent à la maladie à laquelle on est prêt à croire "à posteriori".
Bien que ce soit souvent un raisonnement biaisé, il permet de donner une explication ad hoc [5] à un phénomène que l’on observe bel et bien, mais pour lequel il manque les connaissances préalables indispensables à sa compréhension.Lire l’article à propos du "Pseudo vrai malade" pour mesurer les conséquences des interprétations somatiques ad hoc" des troubles fonctionnels neurodystoniques qui sont selon nous en rapport avec la fatigue et l’inefficacité du sommeil.
À lire aussi sur le site :
"Le train du syndrome d’hyposommeil" ;
"Troubles fonctionnels neurodystoniques ;
"Le somnobar, système d’alarme de la fatigue ;
Reproduction intégrale de l’article de Jean Martin Charcot : "La foi qui guérit (faith healing), La Revue hebdomadaire, 1897.
- Quelques liens externes pour en savoir plus...
- Biographie du Dr Jean-Martin Charcot (site du Centre hospitalier Charcot).
- Le Malade imaginaire (1673) (scène X).
- Knock ou le Triomphe de la médecine. Pièce de Jules Romains (1885 -1972) ( "...Ne confondons pas. Est-ce que ça vous chatouille, ou est ce que ça vous gratouille ?".)
- Trois hommes dans un bateau (sans oublier le chien)
- "Études sur l’hystérie" S. Freud, paru en avril 1895 ,
[1] Dans "Une difficulté de la psychanalyse", Freud fait état, en 1917, des « trois grandes vexations dont le narcissisme universel de l’humanité s’est rendu victime sous l’effet de sa propre lancée scientifique » :
- 1°/ la confirmation copernicienne de la vanité du géocentrisme ;
- 2°/ la découverte darwinienne de la continuité de l’animalité et de l’humanité ;
- 3°/ et enfin, "l’externalisation du Moi", sous l’effet de la découverte de la structure inconsciente du psychisme". Cette découverte de l’Inconscient fut une terrible leçon d’humilité pour l’homme qui pensait jusque là avoir la maîtrise totale de son comportement !
Les notions de « somatisation » et « d’hystérie » semblaient alors pouvoir jouer un rôle dans la genèse et le traitement de certaines maladies non organiques, issues de "cette puissance que possède l’esprit sur le corps", disait Charcot, (le maître à penser de Freud).
Nda : Ces conceptions et les théories psychanalytiques qui en découlèrent ne semblent pas avoir fait la preuve de leur efficacité dans le traitement des maladies dites "psychosomatiques".[2] Le syndrome de Münchausen (ou pathomimie) est considéré comme une pathologie psychiatrique, caractérisée par le besoin de simuler une maladie, sans recherche de profit direct (ce qui est différent de la "simulation hystérique" au cours de laquelle le patient cherche à obtenir un avantage personnel à travers sa maladie supposée).
Les patients atteints de ce syndrome présentent de multiples cicatrices d’opérations à la suite d’interventions chirurgicales répétées pour des symptômes présumés urgents. Ils sont volontiers procéduriers s’ils n’obtiennent pas l’attention à laquelle ils pensent avoir droit.
Les "Études sur l’hystérie" sont publiées en 1895 par Sigmund Freud, ex disciple du neurologue Parisien Jean-Martin Charcot (1825-1893), qui en proposait les bases théoriques dans "Sur les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez les hystériques".
Le concept d’hystérie a, depuis, beaucoup évolué et la psychiatrie moderne (Cf. le DSM-IV - Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e édition) préfère la notion de trouble somatoforme qui désignent simplement "les symptômes physiques qui ne peuvent s’expliquer par une affection médicale" et ne sont plus situés dans la même catégorie que les troubles de la personnalité comme l’anxiété ou les troubles obsessionnels compulsifs.[3] "C’est bien connu : dans les périodes d’inquiétude générale, l’animal humain perd les pédales, rejette - plus encore qu’à l’accoutumée - les arguments de sa raison et plonge à corps perdu dans les tentations de l’irrationnel rassurant et exaltant. La crédulité s’engraisse sur le désarroi comme la mouche verte sur la charogne."
(François Cavanna, 1994)[4] Une allusion à une campagne radio télévisée de la CPAM (1995 ?), destinée à "rationaliser les dépenses de santé en culpabilisant les "gros consommateurs" de médicaments.
[5] Ad hoc est une locution latine qui signifie "qui va vers ce vers quoi il doit aller", c’est-à-dire : formé dans un but précis. Ainsi, à l’époque où l’on croyait que le soleil et les étoiles tournaient autour de la terre, le trajet des planètes (un mot qui signifie voyageur), était expliqué par des trajectoires portée par les Anges...