Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Somnolence Diurne Excessive

"Un enfant bien éveillé peut garder Hercule dormant"
ALAIN (Émile-Auguste Chartier - 1868-1951) / Les idées et les âges, 1927.

mardi 22 août 2006, par guilhem

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En France, la somnolence excessive serait impliquée directement dans un tiers des accidents mortels sur autoroutes tandis que 4% des conducteurs interrogés reconnaissent avoir, dans l’année, évité de justesse un accident lié à un endormissement au volant. (Cf. Enquête 2009 de l’ASFA, Association des Sociétés Françaises d’Autoroutes).
Cette pathologie silencieuse qui pose un grave problème de santé publique reste encore largement sous-diagnostiquée.

"Pouvoir dormir" : Comment faire pour ne pas se sentir somnolent ? Comment maintenir une vigilance suffisante durant la journée ?

Selon les récents résultats de l’enquête 2008 de la Sleep Fondation Association, la somnolence excessive ne pose pas seulement un problème de manque d’énergie, mais elle peut affecter aussi l’humeur, les relations humaines, le travail et la qualité de vie :

* 36% des Américains souffrent de somnolence au volant.
* 29% s’endorment ou tombent de sommeil au travail.
* 20% disent avoir trop sommeil pour s’intéresser à la sexualité.
* 14% déclarent avoir manqué, dans le mois écoulé, une réunion de famille, un rendez-vous professionnel, ou un loisir important par manque de sommeil.

Chacune de ces conséquences semblent donc avoir un énorme impact en terme de santé et de bonheur personnel.
Mais le risque le plus sérieux est celui qui concerne la somnolence au volant d’un véhicule. L’enquête révèle qu’au moins 36% des adultes américains ont reconnu avoir somnolé en conduisant dans l’année.
La somnolence et la conduite ne font pas bon ménage !
(Sources, Sleepfoundation.org : "Sleepiness and driving do not mix").

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Une véritable urgence

L’excès de pression de sommeil peut résulter de quatre situations :

  • Le sommeil est il insuffisant par privation ?
  • Le sommeil est-il empêché par une maladie extérieure ? (Apnée, impatience des jambes ...).
  • Le besoin de sommeil est-il excessif ?
  • Le sommeil est-il dégradé par une parasomnie ? (une pathologie intrinsèque au sommeil, comme le somnambulisme ou les mouvements périodiques par exemple.)

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Un signal fort : le bâillement

- Somnolence physiologique conduisant à une petite sieste devant la TV ?
- Somnolence excessive pendant les cours, dans le bus ou chez le coiffeur...?
- Somnolence pathologique (aux conséquences dramatiques) sur l’autoroute ...?

En laboratoire du sommeil, la Somnolence diurne est confirmée objectivement par l’enregistrement des délais d’endormissement au cours de tentatives de siestes répétées toutes les deux heures. (Cf : "TILE" : tests itératifs de latence d’endormissement). La moyenne des 5 résultats définit un seuil de somnolence pathologique.

Encore désignée par le terme "Excès de Sommeil", la Somnolence Diurne Excessive (SDE) est le plus fréquent des signes évoquant un trouble du sommeil.

Il faut donc savoir interpréter le besoin de sieste ou la "faculté" de s’endormir "à la demande" afin de ne pas sous-estimer la SDE dont les conséquences peuvent être graves.

L’utilisation des examens complémentaires selon un "arbre décisionnel" bien codifié, doit conduire à déterminer l’origine d’une SDE.

La confirmation d’un Excès de Somnolence doit impérativement conduire à un diagnostic.

L’enquête clinique et les examens complémentaires permettent de comprendre la raison pour laquelle le sujet n’arrive pas à satisfaire ses besoins de sommeil.



  • Le sommeil est-il INSUFFISANT ?

    L’insuffisance de sommeil est la principale cause de somnolence diurne. Ce problème concernerait 10% de nos contemporains.

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    Trop de travail ...


    L’interrogatoire, complété éventuellement par l’observation d’un agenda (Cf."Agenda Veille-Sommeil"), permet souvent de mettre en avant les éléments trop néfastes pour le sommeil :

    • Privation volontaire de sommeil : travail posté, et... abondance de loisirs (internet, vidéos, jeux en réseau).
    • Environnement du dormeur incompatible avec le sommeil : problèmes de bruit (télévision, promiscuité), luminosité, température, literie...
    • "Quiproquos" concernant l’hygiène du sommeil pouvant conduire au décalage des périodes de sommeil en-dehors des heures normales et à des dettes de sommeil. Cf "Décalage de Phase"
      L’observation des rythmes de vie sur l’agenda permet de corriger les comportements contre-performants.

      Nb :Il est important d’arriver à bien distinguer la différence entre la sensation de fatigue et la sensation de somnolence.
      Voir l’article du site : Fatigue ou somnolence ?.
      Le sujet insomniaque par exemple est souvent plus fatigué que somnolent, et la pratique de la sieste dans ce contexte ne peut qu’aggraver l’insomnie.


  • Le sommeil est-il EMPÊCHÉ ?
    Le sommeil est-il empêché par un problème extérieur ?


    1/ Perturbations d’ordre respiratoire ?
    2/ Perturbations d’ordre neurologique ?
    3/ Autre maladie ?

    • - La présence deperturbations d’ordre respiratoire est dépistée par les enregistrements qui permettent de mettre en évidence trois types de troubles :
      • Le ronflement simple :

        Le passage de l’air au niveau de la gorge lors des efforts inspiratoires entraîne des turbulences responsables d’un bruit très gênant pour l’entourage mais qui ne constitue pas une maladie.
      • Le ronflement pathologique survient si le diamètre du pharynx diminue. La résistance à l’air augmente et le dormeur doit augmenter ses efforts inspiratoires, ce qui contribues à augmenter encore plus les turbulences.

        Ces efforts respiratoires anormaux au cours de la nuit peuvent avoir des conséquences voisines de celles des apnées du sommeil. (Cf SARVAS).

      • Le "syndrome d’apnée du sommeil" (SAS) est défini depuis 1976.
        Les apnées du sommeil sont des arrêts plus ou moins complets de la respiration, mais généralement totalement imperceptibles par le dormeur.
        Il s’en produit naturellement quelques-unes au cours d’une nuit, mais lorsque leur fréquence ou leur durée est excessive, elles peuvent occasionner des perturbations à la fois nocturnes et diurnes :
        - Conséquences sur le sommeil : ronflement, salivation, sueur, besoin d’uriner, soif, mouvements.
        - Conséquences sur la vigilance diurne (besoin de sieste). Ici, la somnolence est le résultat du fractionnement du sommeil nocturne par des centaines de micro-éveils. [1]
        - Conséquences sur la fatigue (mémoire, migraine matinale).
        - Conséquences métaboliques (hypertension, diabète...). [2]
    • Le syndrome des jambes sans repos est une gène à l’endormissement pouvant induire une somnolence diurne.
      Il s’agit de sensations très pénibles dans les jambes, que l’on attribue parfois à un déficit de dopamine.
      Le diagnostic à l’interrogatoire est facile à établir car la description est typique.
      Voir l’article sur le "Syndrome des jambes sans repos".
    • Certaines secousses musculaires anormales appelées "Mouvements périodiques des membres au cours du sommeil" (ou PLM pour periodic limb movements) peuvent être mises en cause dans certains cas de SDE.
      Voir l’article sur les "Mouvements périodiques au cours du sommeil ".
    • - Autre maladie ?
      En dehors des perturbations sus-nommées, l’interrogatoire, l’examen clinique et un bilan biologique standard permettent de dépister les principales causes médicales qui peuvent être impliquées :
      • Une maladie psychiatrique.
        Voir les articles Dépistage de la dépression et Troubles phobiques.
        - Certaines formes d’angoisse peuvent se manifester par une hypersomnie. L’expression "se réfugier dans son sommeil" évoque cette tendance à vouloir oublier ses soucis dans le sommeil qui est une sorte de "petite mort" [3].
        - La "Clinophilie" est une forme de pseudo-hypersomnie comportementale marquée par une majoration du temps passé en position allongée, le plus souvent sans dormir vraiment.
        Cette tendance à vouloir rallonger le temps passé au lit peut conduire à l’insomnie (Cf Vouloir dormir (le cercle vicieux de l’insomie)
        Ce comportement, s’il s’accompagne de perturbations significatives de l’humeur (tristesse et découragement), peut être rattaché à certaines formes de dépressions.
        Nb. La clinophilie est aussi un des symptômes majeurs du syndrome de fatigue chronique et des troubles en rapport avec la fatigue.

        Lire les articles : le Syndrome d’hyposommeil et le Syndrome de fatigue chronique".
      • Une toxicomanie
        Voir alcoolisme, cannabis, morphiniques....
      • Insuffisance thyroïdienne
      • Hépatites (virales ou non)
      • Maladie du sommeil africaine (une parasitose transmise par la mouche TséTsé), voir la Trypanosomiase)
      • Une autre affection générale (fièvre, douleur ...)
      • Une maladie neurologique dégénérative (Alzheimer, Parkinson, prion) ou traumatique
      • Nb. Le reflux gastro-œsophagien (RGO) fait classiquement partie des causes extrinsèques de troubles du sommeil. Il faut l’envisager dans le cadre d’une somnolence liée à des malaises nocturnes à type d’acidité ou de brûlures dans la gorge parfois associées à des quintes de toux nocturnes.


  • Le besoin de sommeil est-il EXCESSIF ?

      Le besoin de sommeil est-il excessif ? (c’est-à-dire "naturellement" supérieur à la normale).
    • Hypersomnie ?
      Ici, on ne trouve aucune cause lésionnelle. Le besoin massif de sommeil est véritablement vécu comme un handicap social. Il est confirmé par l’enregistrement d’une nuit suivie de 5 siestes dans la journée. On pose le diagnostic d’hypersomnie idiopathique si l’architecture du sommeil de la sieste ne présente pas d’anomalies.
    • Gros dormeur congénital.
      La somnolence excessive concerne les personnes qui appartiennent au groupe des "gros dormeurs", et qui présentent des difficultés à vivre au même rythme que la plupart des gens.
      L’interrogatoire montre que cette caractéristique somnologique est déjà présente dès le tout jeune âge. Le sujet rapporte des anecdotes de "marmotte", il avait l’habitude de s’endormir dès que l’occasion se présentait.
      Bébé, il "faisait ses nuits" très tôt.


      Ce type de dormeur va devoir apprendre à adapter sa vie sociale et professionnelle à son besoin de sommeil.
      Mais un tel chronotype n’est pas forcément toujours handicapant (Cf. Le livre de Carl Honoré "In Praise of Slowness, "Un éloge de la lenteur", ou le personnage de bande dessinées Gaston Lagaffe par André Franquin ...).
      Ici, le risque d’accident est moindre qu’en cas de privation aiguë de sommeil car le sujet gros dormeur connaît et contrôle souvent assez bien son degré de somnolence.


  • Le sommeil est-il DÉGRADÉ ?


    Ici, le besoin de sommeil est supérieur à la normale à cause d’une maladie intrinsèque au cerveau qui perturbe les mécanismes de régulation du sommeil.

    La plupart des diagnostics nécessitent un enregistrement du sommeil en laboratoire. Voir l’article "Exploration complémentaire du sommeil.

    • Maladie de Gélineau, Narcolepsie :
      La présence d’endormissements anormaux au cours de la sieste (directement en sommeil paradoxal) peut être l’indication de la "maladie de Gélineau" ou narcolepsie (avec ou sans cataplexie. [4])
      Les malades souffrent de chutes brutales (accès cataplectiques), de crises de somnolence diurne et de profondes perturbations du sommeil (mouvements et rêves très agités).
    • L’utilisation de "montages" avec capteurs spécifiques (Eeg ou Emg) et/ou la possibilité d’enregistrement vidéo (infra rouges) est parfois nécessaire pour établir d’éventuels autres diagnostics :


Finalement...

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Un usage intempestif...
mais un sevrage difficile

- Les principales causes de Somnolence Diurne Excessive sont relativement faciles à mettre en évidence par un bon interrogatoire :

- Dans certains cas de somnolence, seul l’enregistrement polysomnographique du sommeil permettra de diagnostiquer les pathologies plus frustes ou plus complexes (PLM, SARVAS, hypersomnie, épilepsie, narcolepsie, parasomnies, etc...).


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Trop de TV ?

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Quelques liens externes pour en savoir plus...

Portfolio

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Arbre diagnostique d’une Somnolence excessive (smg°)

[1Il arrive que le malade prenne conscience de sa maladie à l’occasion d’un accident de la circulation (ou du travail) directement imputable à la somnolence.

[2Il arrive que le malade prenne conscience de sa maladie à l’occasion d’un accident vasculaire (cardiaque ou cérébral) directement imputable au déficit d’oxygène.

[3Hypnos, le dieu du sommeil est le frère de Thanathos, le dieu de la mort (Cf."Mythologie du sommeil")

[4Les cataplexies sont des chutes ou des lâchages d’objet par abolition brutale du tonus musculaire.
NB. Le diagnostic de narcolepsie sans cataplexie est porté lorsque le dosage du liquide cérébral montre un taux d’orexine effondré ce qui témoigne de la destruction (immunologique) des cellules impliquées dans la régulation veille-sommeil. (En pratique, l’observation au cours d’un TILE, d’endormissement en sommeil paradoxal dès le début des siestes est suffisant pour poser ce diagnostic).