Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Schémas somnotoxiques

"la faculté que nous avons de nous manipuler nous-mêmes pour que ne vacille point le socle de nos croyances est un phénomène fascinant."
Muriel Barbery, "L’élégance du hérisson", 2006.

jeudi 16 août 2007, par guilhem

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Les mauvais dormeurs obéissent souvent à des schémas de pensée "somnotoxiques" qui entretiennent le cercle vicieux de l’insomnie, des somnifères, et de la fatigue.
"Nous ne souffrons pas des faits mais des représentations que nous avons des faits". Epictète (50 - 125 env.)


Certains schémas de pensée conduisent parfois à des comportements extrêmement contre-performants.
Voici des exemples (rencontrés en consultation), du cercle vicieux pensées éveillantes et comportements éveillants dans lesquels s’enferment souvent les mauvais dormeurs.

Comportements non performants.

Les comportements du sujet "insomniaque" (qui souffre de fatigue parfois depuis des années) sont toujours très logiquement en accord avec ses pensées.
Ces pensées qui sont "justifiées" par l’observation de certaines expériences douloureuses sont reportées dans l’article "paroles d’insomniaques".

Ces schémas, souvent efficaces au début (car ils parviennent à allonger le sommeil), s’avèrent très nocifs au stade de l’insomnie constituée ("insomnie psychophysiologique acquise") mais ils ne peuvent être modifiés que lorsque le sujet comprend les véritables mécanismes chronobiologiques de son insomnie.

Quelques exemples de comportements qu’il y a lieu de remettre en question :

  • rester au lit en espérant se rendormir ;
  • compter les moutons ;
  • ne pas bouger pour ne pas se réveiller davantage ;
  • s’énerver en pensant à la journée qui va suivre si on ne dort pas rapidement ;
  • s’endormir devant la télévision ou avec la radio allumée ;
  • aller s’endormir dans le canapé du salon ;
  • se mettre à jouer sur un ordinateur (Internet...) ;
  • faire du sport "pour se fatiguer" ;
  • consommer de l’alcool ou un somnifère « à la demande » ;
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    Faut-il se coucher tard ou bien comme les poules ?
  • faire la « grasse matinée » lorsque c’est possible ;
  • faire la sieste le plus longtemps possible ;
  • se coucher le plus tôt possible le soir venu.
  • S’allonger dès que possible dans la journée.
    Nb : La grande majorité des mauvais dormeurs souffre d’une sensation de fatigue qui les oblige à se reposer (de leur journée), tout spécialement en fin d’après-midi. Ce besoin anormal de s’allonger dans la journée est un symptôme qu’on appelle "Clinophilie". [1]
    En réalité, ce comportement contribue à entretenir l’insomnie (Cf.).
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Comportements performants :

Voir l’article "Sept principes pour apprendre à dormir" pour un résumé des connaissances chronobiologique sous-jacentes à ces conseils généraux.

  • Ne pas essayer de "faire le vide"...!


    Contrairement aux idées couramment répandues... Il est impossible de ne penser à rien lorsqu’on est éveillé !

    Il est au contraire intéressant d’essayer de profiter de ce temps que nous offre notre cerveau pour la réflexion. (Beaucoup de bonnes idées sont produites à ce moment-là. "La nuit porte conseil").

    L’insomnie initiale exerce, vis-à-vis des soucis, un rôle protecteur analogue à celui de la fièvre dans l’infection.
    Cette insomnie dite "physiologique", réactionnelle à un stress, est un moyen d’optimiser les capacités de défense de l’individu.
    De plus, c’est ce moment (celui où l’on pense à quelque chose) que choisira le "voleur silencieux" pour venir dérober les pensées, "et peut être que déjà vous dormez..."(Ainsi parlait Zarathoustra).

  • La "règle des 20 mn" : Sortir du lit ! après 20 mn d’ennui au maximum.
    D’abord, pour arrêter d’y perdre son temps ;
    Ensuite, pour permettre au lit de se refroidir (Cf. sommeil et chaleur).
    Enfin, parce que c’est la meilleure chose à faire pour arriver à s’endormir 20 mn plus tard.
    Nb. Si l’on choisit de rester au lit, il faut accepter l’idée que cette attente, apparemment interminablement longue, est probablement remplie d’épisodes de "micro-sommeil" non perçus.
    Le "dormeur insomniaque" ne perçoit pas les endormissements qui entretiennent l’insomnie mais reconnait qu’il rêve ... un peu. (Cf. "paroles d’insomniaques") Ce rêve est forcement précédé de sommeil lent léger mais ce stade est parfois perçu comme de l’éveil.
    Qui n’a jamais entendu un dormeur affirmer avec force qu’il ne dormait pas alors que son entourage le regarde ronfler depuis 5 minutes ?
    Sachant cela, il est impératif de conserver un horaire de réveil fixe le matin, quel que soit le temps qu’on estime avoir passé à dormir.
  • Contrôle du stimulus.
    Il s’agit d’essayer de profiter du temps gagné sur le sommeil tout en favorisant les déperditions thermiques.
    Aller dans une autre pièce, boire un petit verre de liquide frais (avec un glaçon) ;

    Ne pas hésiter à se rafraîchir par un bain tiède, un verre de lait frais, une promenade sur le balcon ou quelques exercices de respiration devant la fenêtre ouverte ;

    Ne pas s’allonger dans une autre pièce mais choisir de rester sur une chaise au frais pour s’occuper un moment (quelques revues ? une lettre ? un coup de téléphone ? faire un puzzle, des mots croisés etc... ) ;

  • Nb. "Pratiquer des exercices de relaxation" nécessite un apprentissage et un entraînement dans la journée.
    Correctement maîtrisée, la relaxation peut aider à se détendre en cas de réaction physiologique d’hyper-éveil mais ne convient pas à tout le monde. Il est, par contre, illusoire de compter seulement sur la relaxation pour s’endormir lorsqu’on souffre d’insomnie.

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Qui croire ? ...

Pensées, cognitions ou ruminations contre-performantes :

Il y a trois sentiments capables de maintenir éveillé ou de réveiller rapidement tout bon dormeur :


1 : La motivation : le sujet insomniaque veut absolument dormir.
2 : La colère : le sujet insomniaque est prêt à tout pour y arriver.
3 : La peur : le sujet insomniaque craint de ne pas pouvoir accomplir sa journée.

  • « Mon Dieu, il est déjà trop tard, il faut que je dorme ! » ;
  • « Eh bien tant pis, je reste là et j’attends !" ou bien "Tant pis, je vais prendre un somnifère même si je trouve cela anormal » ;
  • « Je vais devenir fou », "ça va me faire un infarctus, de la tension".


Cognitions ou pensées performantes :

  • Je n’ai pas sommeil en ce moment, il n’y a rien qui me donnera sommeil ...
    ... (mais je sais déjà, par contre, quels sentiments me réveilleront si je me laisse emporter).
  • C’est désagréable parce que je voudrais bien arriver à dormir ...
    • ... mais, en réalité, j’ai (déjà) pris conscience que ce n’est pas toujours définitif.
    • ... parce que (maintenant) je comprends pourquoi mon cerveau n’est pas en condition de dormir tout de suite. (Excitants, horaires décalés, événements de vie ...)
    • ... parce que je sais ce que j’ai à faire maintenant (pendant l’heure qui vient) ...
    • ... parce que je sais ce que je vais éventuellement faire demain pour (éventuellement) compenser le sommeil en retard ...
    • ... parce que je sais ce que je vais devoir faire pour agir sur mes horloges internes et corriger ce fâcheux contretemps :

    Conclusion

    Il faut comprendre avant d’agir.
    Toute contrainte comportementale en contradiction avec les pensées du sujet est vouée à l’échec.
    Il est essentiel de ne pas culpabiliser le sujet "mauvais dormeur" car son attitude est fondée dans la mesure où il ne possède pas les notions de chronobiologie nécessaires à modifier son angle de vue.
    De l’angle d’où il observe le sommeil, ce qu’il pense et ce qu’il fait est tout à fait logique. Il faut donc arriver à ce qu’il "pense le sommeil différemment et de la bonne façon".
    Voir "7 principes pour apprendre à dormir"

    Les connaissances récentes en matière de régulation du sommeil et de chronobiologie, sont fondamentales pour arriver à changer de comportement.
    Il est important, par exemple, pour un malade insomniaque, d’apprendre à savoir situer ses éveils nocturnes par rapport au minimum thermique du milieu de nuit.

    La guérison de l’insomnie dépend de la connaissance de ses horloges internes et des caractéristiques individuelles de son sommeil :


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    .
    "À chacun son sommeil, à chacun son info..."




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    Balancier Veille-Sommeil

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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1La clinophilie se définie comme un besoin excessif de rester au repos allongé mais sans dormir, ce qui le distingue formellement de la somnolence. ) (litéralement : attirance pour la position "décline", cad allongée