Sommeil et médecine générale

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Torticolis

"Le torticolis ordinaire est l’équivalent d’un « tour de reins » (lumbago)..." Collège québécois des médecins de famille, 2008.

, par guilhem

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"... Le torticolis est un spasme musculaire intense qui apparaît généralement lors d’un mouvement brusque du cou, alors que les muscles sont fatigués ou tendus..."


Introduction.
Le cou est essentiellement constitué d’un réseau complexe de petits muscles qui fonctionnent en synergie pour arriver à supporter le poids du crâne (4 à 5 kg, Cf. Doc).

Cette synergie est indépendante de la volonté, il existe un système nerveux automatique chargé d’harmoniser la contraction de tous ces muscles lors des mouvements de la tête.

À l’instar des haubans qui soutiennent un pont, le système dépend de la bonne répartition des forces. Dans le cadre du syndrome d’hyposommeil, tout se passe comme si la fatigue s’accompagnait d’une baisse de l’efficacité de ce mécanisme régulateur. Un des muscles se désynchronise des autres et provoque une contracture réflexe de tout le système.

Le torticolis est le blocage douloureux de certains groupes musculaires du cou ou du dos en rapport avec un mouvement souvent banal qualifié de « faux mouvement ». La personne a l’impression que « quelque chose s’est déplacé » mais les radiographies (qui sont en général inutiles ici) ne montrent la plupart du temps rien d’autre qu’une raideur en rapport avec la contracture.

Nb. Attention aux manipulations intempestives du cou !


Nb : Le principal écueil de l’imagerie radiologique est de mettre en rapport le torticolis avec une simple image d’arthrose cervicale. D’ailleurs, comme dans le cas du lumbago (qui procède, selon nous, du même mécanisme), les pathologies invalidantes du rachis affectent plus souvent les adultes jeunes que les personnes âgées, ce qui serait illogique si elles résultaient d’une quelconque "usure" articulaire.
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Le torticolis (comme le lumbago) appartient au groupe des troubles fonctionnels qui apparaissent dans un contexte de surmenage et/ou de fatigue... Les fameux Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) qui préoccupent tant les Médecins du Travail.

Le traitement standard repose sur l’association de médicaments (antalgiques et anti-inflammatoires) et de repos.
Certaines techniques de kinésithérapie peuvent s’avérer efficaces. La chaleur, les massages et certaines manipulations douces du rachis sont efficaces pour aider à détendre le ou les muscles contracturés.
Le plus souvent, on utilise aussi des médicaments décontractants musculaires (dits encore "myorelaxans").
Ces myorelaxants appartiennent en général à la classe des benzodiazépines comme le Valium° ou le diazépam, ou le tétrazépam. Ces molécules possèdent toutes un effet décontractant mais présentent malheureusement pas mal d’effets indésirables (somnolence, trouble de la mémoire, rebond d’anxiété), car elles dégradent le sommeil profond et accentuent l’impression de fatigue.


D’un point de vue "somnicologique" Cf. néologismes pour Smg, nous préconisons plutôt, lorsque c’est nécessaire, la prise unique d’un somnifère (non benzodiazépinique de préférence), en considérant qu’il peut ponctuellement contribuer à « fortifier le sommeil ».
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Le "somnobar est dans le rouge


Dans ce contexte où la fatigue résulte d’un sommeil inefficace (ce qui est très différent de l’insomnie), cela peut aider le malade à prendre conscience de l’importance de son sommeil.
Nous pensons qu’il est parfois licite d’utiliser le "somnifère" comme un outil ponctuel destiné à aider le malade à sortir de la "zone de décompensation" où apparaissent les troubles neurodystoniques. (Cf. "Le système d’alarme de la fatigue").
Au final, cela ne modifie guère le traitement, mais cela met l’accent sur la cause (sommeil inefficace) plutôt que sur la conséquence (handicap de la statique rachidienne).


Exemple n°1

Mr N. (41 ans) consulte aux urgences un 15 août pour un torticolis sévère. Il est inquiet parce que l’année dernière il avait dû s’arrêter de travailler durant deux mois à la même époque, « paralysé » par la douleur. De plus, le scanner est normal et il ne comprend pas "que l’on n’arrive pas à mieux le soigner".

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Arrêt d’urgence


L’interrogatoire met en évidence des horaires de travail très atypiques. Mr N. participe à l’enlèvement des ordures ménagères et doit se lever vers 3 h du matin. On apprend qu’il se couche plus tard en été (les soirées sont plus longues) et surtout qu’il ne fait plus la sieste pour profiter de sa piscine.


Pourtant il dort bien, mais « n’a pas le temps ». Il reconnaît en effet souffrir régulièrement de "Somnolence Diurne Excessive".

Il est surpris (et pour tout dire, un peu sceptique) d’apprendre que cette privation de sommeil peut suffire, à elle seule, à provoquer un tel handicap.

Exemple n°2


Mr G. souffre de torticolis bénins mais à répétition (une fois par mois en moyenne) pendant plusieurs années, douleur qu’il met sur le compte d’une arthrose cervicale très bien visible sur la radiographie avec ses « becs de perroquet » Durant cette période il a, « par ailleurs », beaucoup de mal à se réveiller le matin.
À 35 ans, Mr G. se sent déjà « vieux » en observant ses radios.


Curieusement pourtant, 10 ans plus tard, les torticolis ont disparu... il n’a plus jamais la moindre douleur, depuis qu’il a modifié son rythme de sommeil. L’arthrose radiologique est toujours là, bien sûr, mais depuis qu’il se réveille facilement, ses muscles fonctionnent normalement.
Remarque : force est de constater que l’axiome qui affirme aux étudiants de médecine qu’il n’y a "aucune corrélation radio-clinique" trouve là une parfaite illustration.

Exemple n°3

Mme B. appelle pour une « attaque de panique ». Elle connaît ce malaise mais "comme cela ne passe pas, elle est obligée de « déranger un médecin au cas où ça serait le cœur ou la tension... »
On apprend qu’il y a trois ans, elle avait dû être hospitalisée pendant un mois pour un torticolis résistant à tous les traitements. <br<Le chirurgien voulait l’opérer d’une hernie cervicale constatée sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) mais finalement, elle avait refusé et... c’était passé.


Depuis, elle se dit très souvent fatiguée (alors qu’elle dort beaucoup...). Elle consomme par contre beaucoup de médicaments pour l’arthrose, la circulation (mémoire, vertiges, jambes lourdes), la tension et la constipation et, bien sûr !... elle manque de magnésium ! (sic)
Cf."Pseudo vrai malade"

Discussion


Dans notre expérience, en dehors de cas très exceptionnels (traumatiques ou infectieux), le torticolis relève simplement d’une cause somnologique.
Ici, quelle qu’en soit l’origine, décalage de sommeil du travailleur posté ou hyposommeil dû au surmenage (Burnout), l’apparition d’un torticolis est un signe de décompensation des mécanismes de résistance. (Cf. "système d’alarme") )


Le torticolis possède les quatre caractéristiques communes des "Troubles Fonctionnels" : il est inquiétant, handicapant, capricieux et (heureusement) d’évolution bénigne.

C’est une pathologie invalidante (et parfois désespérante) mais qui finit par guérir spontanément lorsque le sujet récupère des réserves (par le temps et le repos, lorsque c’est possible).

Quelques réflexions complémentaires :


1 : La douleur apparaît à l’occasion d’un mouvement brusque alors que le sujet n’a pas conscience de son niveau de fatigue. Il est ainsi persuadé de l’origine mécanique de sa douleur et cherche un moyen de se "débloquer". Cette attitude de déni de la fatigue est à l’origine de traitements souvent longs, coûteux, inutiles, et parfois dangereux (chirurgie des hernies cervicales).
Comme pour la Migraine ou le lumbago, il est frappant de constater que souvent le sujet n’est pas conscient de son niveau de fatigue.
Nous appelons ce phénomène la "surdité à la fatigue". le sujet a un caractère volontaire et résistant et "refuse" de prendre conscience qu’il est dans le rouge (souvent parce qu’il n’a pas le choix).


2 : Le Torticolis toucherait quatre fois plus de femmes que d’homme.
Selon nous, l’inégalité des sexes vis-à-vis des troubles fonctionnels n’est pas chromosomique.
L’inégalité vis à vis des tâches ménagères et des responsabilités ne l’est pas non plus.
Le syndrome d’hyposommeil touche en majorité les femmes parce qu’elles sont particulièrement exposé au conflit fatigue/résistance.
Il y a là les composantes d’un véritable Burnout chez une population mal reconnue de "travailleurs" car elles ne peuvent pas s’y soustraire par un simple arrêt de travail.
Voir l’article sur le "Burnout".

Conclusion :

L’interrogatoire pour un torticolis doit permettre une bonne appréciation quantitative et qualitative du sommeil et chercher à mettre en évidence les éventuels autres troubles fonctionnels associés.
Leur présence dans un contexte de fatigue au réveil est en faveur d’un "Syndrome d’Hyposommeil.
La prévention de la rechute repose sur l’application de mesures correctrices d’hygiène du sommeil.
Cette approche pragmatique du torticolis fonctionnel ne s’attardera pas inutilement sur les véritables raisons du surmenage car, par définition, le sujet ne peut pas souvent s’y soustraire.
Dans ce contexte d’impuissance et en l’absence de règles de conduites "somnicologiques", le malade risque de s’engager dans le "Parcours du Combattant" des patients à la recherche d’un diagnostic.

Un seul conseil somnicologique ?
Respecter la régularité du réveil, quelque soit l’heure à laquelle on s’est endormis.

Dans notre expérience, les torticolis sont très souvent (tout comme les lumbagos d’ailleurs), des troubles en relation avec un "morning-lag", ce décalage des horloges internes analogue au jetlag (Cf Dans le site), consécutifs un réveil tardif après un sommeil de récupération.
Il faut savoir choisir de se réveiller à heure fixes, quitte à faire une courte sieste et/ou à se coucher plus tôt le soir suivant.
Lire l’article sur la "Sieste", indications et contre-indications.

Voir aussi quelques articles connexes sur le site "Sommeil et médecine générale"
- "Le jet-lag"
- "Rhumatismes et sommeil"


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Quelques liens externes pour en savoir plus...