Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Travail de nuit

« Some must watch while some may sleep ». Dement, W. C. (1972), San Francisco.
("Il faut que certains veillent pour que d’autres puissent dormir")

, par guilhem

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La société moderne tend à appliquer à "Monsieur Tout-le-monde" les rythmes des navigateurs solitaires et des pilotes d’avion.
Ce défi lancé aux lois de la nature concerne de plus en plus d’individus.
Certains sujets risquent plus que d’autres de "perdre l’équilibre" et de présenter un syndrome de désynchronisation-désadaptation (ou dissociation chronobiologique interne), avec malaise, fatigue et troubles fonctionnels (Lire :"le train du syndrome d’hyposommeil").
Le travailleur de nuit doit pouvoir bénéficier des connaissances chronobiologiques indispensables à leur mode de vie atypique (avec les balanciers du sommeil en opposition de phase).

La pénibilité des horaires imposés devrait donner lieu à des compensations spécifiques.
(Voir la législation en France).
À la lumière des connaissances somnologiques modernes, on pense que chacun n’a pas les mêmes capacités d’adaptation et qu’il existe donc de véritables "contre-indications génétiques" au travail posté.


Nb. En 2007 dans l’Hérault, plus d’une personne sur quatre travaille en horaire de nuit.
Voir la législation 2005 sur l’aménagement du temps de travail :handitrav.org.
(Consulter dans la documentation en bas de page, les conseils pratiques :liens externes..

L’avenir n’appartient plus à ceux qui se lèvent tôt...

Le nombre de travailleurs de nuit est en constante augmentation depuis l’avènement de la société industrielle et l’invention de la lumière artificielle.
À une époque lointaine le vieil adage était vrai puisque la quasi totalité des activités humaines s’arrêtait avec la nuit et qu’il était important de se mettre au travail dès le lever du soleil.

Les « couche-tard et lève-tard » avaient probablement beaucoup de difficultés à travailler aux champs et on comprend l’opprobre général envers ceux qui dormaient « trop » dans la journée.
Ceux qui avaient le loisir de dormir tard étaient par définition des paresseux, des oisifs, des profiteurs ou ... des voleurs.

Il est à présent parfaitement admis que les caractéristiques du sommeil (le "chronotype") sont génétiquement déterminées.
Ainsi, nous n’avons pas tous la même "taille" de sommeil, et on observe que certaines personnes sont plus affectes que d’autres par les horaires de travail imposés.
Cf. Le questionnaire interactif du site : : "déterminez votre chronotype" ;

Par exemple, 30% des enfants souffrent de somnolence à l’école durant les premières heure de la journée parce qu’ils ont un profil de sommeil dit "du soir" (verspéral). (Source : congrès 2006 de la société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil).
Voir un questionnaire de dépistage de la somnolence excessive chez l’enfant : Échelle de Somnol-enfance ;

... De nos jours, plus de 25% des travailleurs occupent des horaires atypiques

Diverses études indiquent que 20% des travailleurs postés changent de métier avant trois mois tandis que 10% déclarent ne rien trouver à redire à leurs conditions de travail.
Il en reste donc 70% qui tolèrent le travail posté mais qui ont diverses plaintes à formuler.

Ils doivent exploiter des performances individuelles indéniables pour ne pas souffrir d’un déficit qualitatif ou quantitatif de sommeil.

Il est possible de réduire son temps de sommeil mais il n’est pas possible de réduire son besoin de sommeil

Cf :Quel type de dormeur, êtes-vous donc ?.



Le sujet du soir est particulièrement avantagé pour le travail de nuit (restauration, musicien, médecin...) parce que son sommeil diurne reste efficace.
Il est, par contre, pénalisé pour se lever aux horaires normaux le matin et présente une contre-indication aux postes matinaux car il a beaucoup de difficultés à s’endormir lorsqu’il doit se coucher tôt.


Le sujet du matin présente une contre-indication physiologique au travail de nuit car il est incapable de se reposer efficacement à contre-phase du rythme naturel.
Après une nuit blanche, il doit attendre le creux de 13 heures pour parvenir à s’endormir.

Il perd ainsi, en moyenne, 3 heures de sommeil par rapport à celui qui peut dormir dès le matin. Son sommeil diurne est par ailleurs de mauvaise qualité.

"Le travail de nuit appartient à ceux qui se couchent tard"

Travail posté.


C’est un rythme de travail tournant : (ex : trois fois huit) ou irrégulier

Il pose pratiquement les mêmes problèmes que le « jet lag » (Lire :).
Ici, plus encore que pour le travail de nuit, la capacité du sujet à obtenir suffisamment de sommeil récupérateur dépend d’aptitudes individuelles et du respect des règles d’hygiène du sommeil.

En cas d’inadaptation, il se produit une dette de sommeil qui se manifeste par des troubles du caractère, des performances et de la mémoire, mais aussi des douleurs et des troubles fonctionnels neurodystoniques.
La parfaite connaissance des somnicaments couplée à de grandes performances individuelles permet de supporter ces rythmes anormaux pour l’organisme.

Il faut par exemple favoriser le sommeil en phase descendante de la température et « gérer » la dette chronique de sommeil par des siestes de manière à conserver malgré tout une vie sociale normale.
Le navigateur solitaire en course est un cas particulier qui impose plus qu’ailleurs une parfaite connaissance des règles de la chronobiologie :
Les tranches horaires les plus propices à la récupération sont entre 3 et 6 heures du matin, et entre 14 et 18 heures. De courtes périodes de sommeil de l’ordre de 15 à 20 minutes ("sieste flash") ont également un effet bénéfique "en urgence" pour restaurer un niveau de vigilance correct.
Lire l’article :"Sport et sommeil".
Lire l’article :"Chronobiologie et performances sportives".

Travail très matinal.


Le fait de se rendre à son travail avant 6 heures du matin est considéré comme du travail de nuit en Suisse (où la règlementation à ce sujet est restée plus stricte que celle de l’Union Européenne) et donne lieu à d’importantes compensations.
En France, le nouveau gouvernement propose l’apprentissage dès l’âge de 14 ans, ce qui entraine une autorisation bien trop précoce du travail de nuit.
Les travailleurs obligés de se lever très tôt contrarient leur sommeil puisqu’ils se réveillent à proximité du minimum thermique, quand la somnolence est au maximum.

Le réveil et la mise en jeu des "donneurs de temps" juste après ce point de la courbe de température (vers 04h), exercent un effet d’avance de phase sur le système, ce qui a naturellement tendance à donner sommeil plus tôt le soir.
En pratique le rythme de vie occidentale conduit à se coucher de plus en plus tard et il se produit chez 10 à 20 % de nos contemporains une dette de sommeil importante responsable d’accidents imputables à la somnolence.
NB. La somnolence n’est pas analogue à la fatigue et les sujets insomniaques la nuit ne sont en règle générale jamais victimes d’accidents (sauf ceux reliés aux somnifères !)

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Travail de nuit

L’adaptation du travail de nuit ne dépend pas uniquement de l’application des règles comportementales d’hygiène du sommeil.
Les capacités individuelles à tolérer un rythme contraire à la nature diurne de l’espèce humaine sont très variables.

  • Selon nous il existe chez certains sujets de véritables contre-indications au travail de nuit. En pratique, il ne leur sera pas possible de s’adapter et ils seront, avant six mois, amenés à changer de profession sous peine de se trouver en arrêt-maladie.
  • Inversement, d’autres sujets font preuve dans ce domaine de compétences véritablement extraordinaires. Ces sujets, génétiquement très courts dormeurs se "contentent" d’un sommeil diurne (de mauvaise qualité) durant toute leur carrière.
    Souvent, ils consultent pour insomnie quand est venu le temps de dormir la nuit parce qu’il leur faut, en réalité, très peu de sommeil ...
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    Syndrome de desynchronisation-désadaptation


    La question était donc de savoir comment ont fait les gens qui sont physiologiquement capables de s’adapter au travail de nuit.
    Les conseils que l’on a tirés de leurs expériences ne sont donc valables que chez les sujets dont le sommeil est assez performant pour supporter une telle inversion de phase du sommeil.
    Rappelons qu’il existe des contre-indications au travail posté.

    Le principe est d’essayer de conserver des rythmes biologiques normaux tout en inversant le rythme du sommeil et sans accumuler de dette de sommeil. (Cf. "Savoir dormir).

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      Effet de la lumière (et du sport) sur le rythme du sommeil : "courbe de réponse en phase".


      "Les variations individuelles de l’horloge permettent de comprendre que certaines personnes vont mieux tolérer que d’autres certains horaires. La nécessité d’une surveillance individuelle par la médecine du travail est obligatoire lors de changements de rythmes horaires. L’intolérance à un horaire peut être immédiate. Elle peut aussi se manifester après une longue période de latence".
      Dr D Leger

    • Garder le rythme en sachant gérer les "somnicaments".
    • Voir l’article : "Les Somnicaments naturels du sommeil".

      • Conserver un rythme d’alimentation "normal" durant le jour.
        Le repas (pris en famille) sera un fort signal diurne pour l’organisme qui conserve mieux son rythme naturel que si le principal repas a lieu la nuit.
        Le grignotage la nuit favorise beaucoup la prise de poids.
      • L’exposition à des lampes de luminothérapie, le soir (surtout en hiver), est bénéfique pour favoriser l’éveil (et contrecarrer le "marchand de sable") et contribuer à retarder le moment du minimum thermique vers la fin de la nuit, ce qui favorisera le sommeil au retour du travail.
        Voir l’article "luminothérapie"
      • Inversement, Le port de lunettes spéciales à lentilles orangées bloquant spécifiquement la lumière bleue-verte permet de limiter l’action de la lumière sur le système veille-sommeil permet une amélioration significative du sommeil.

        Voir l’article "Chromothérapie"
      • L’organisme est plus chaud en fin de journée, il est intéressant de profiter de cette "montée en pression" pour pratiquer un peu d’exercice avant de reprendre le travail.

        Les études démontrent que la pratique du sport favorise l’adaptation aux rythmes de sommeil imposés.
        On observe deux éléments qui contribuent à une bonne efficacité du sommeil de récupération.
        - d’une part, la persistance des fluctuations de la température (rythme circadien) qui ont au contraire tendance à disparaître chez les sédentaires.
        - d’autre part, durant la période nocturne de travail, le moment du minimum thermique survient plus tard et les sportifs s’endorment sur une fluctuation de température encore descendante alors que les sédentaires se couchent avec une température qui remonte.

        Études comparées des rythmes du sommeil de sportifs et de sédentaires en poste régulier de nuit.

        Canadian journal of applied physiology 2003, vol. 28, no6, pp. 831-887 [57 page(s) (article)] (4 p.1/2).
        Source
        " De toute évidence, la situation contradictoire qu’exerce le travail de nuit sur le fonctionnement biologique de l’homme va à l’encontre de sa spécificité diurne.
        Le but de cette étude est de mettre en évidence l’influence de la pratique sportive sur la résistance et la persistance du rythme circadien de la température ainsi que la qualité du sommeil chez des sportifs travaillant régulièrement de nuit.
        Pour répondre à nos hypothèses, des sujets sédentaires et sportifs travaillant la nuit ont été retenus pour cette étude.
        ...
        Il semble que les effets de l’entraînement physique améliorent certains caractères du fonctionnement biologique de l’homme : les amplitudes de la plupart des fonctions sont accentuées et les périodes (période = rythmes biologiques, Nda.) sont plus difficilement perturbées dans le cas de situations extrêmes (travail de nuit, jet-lag, privation de sommeil).
        Nos résultats montrent que les sportifs restent davantage synchronisés sur un rythme diurne".

      • Attention au café pris en fin de poste avant de rentrer chez soi. Le café diminue le sommeil profond et agit longtemps.
        Contrairement à ce qui se voit en pratique (les machines à café tournent à plein régime durant les postes de nuit) il ne faudrait pas consommer de café après minuit.
        Le café pris après la collation du soir est parfois utile pour compenser la somnolence physiologique de 2 à 4h du matin.

    • Priorité au sommeil.
    • Se coucher le plus vite possible après le poste de travail (éviter de fumer, de commencer une tâche quelconque ou de faire de l’exercice.)
      (Il est préférable de manger en fin de poste avant de rentrer chez soi).

    • "Deux sommeils valent mieux qu’un".
      Il est fortement conseillé de se réveiller pour l’heure du repas vers 13 h et de profiter du pic de somnolence vers 15 h pour effectuer un deuxième sommeil sous forme d’une longue "sieste préventive" d’au moins 100 minutes (Cf. "Sieste mode d’emploi".
      Si cela est possible durant la nuit, il est bon de mettre à profit les bienfaits d’une sieste courte. Quelques minutes suffisent à compenser un pic de somnolence excessive.
      (Cf. Somnolence diurne excessive).
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    Modélisation de l’équilibre veille-sommeil


    (Déplacez les curseurs pour modifier l’équilibre du système.
    Le système fonctionne correctement avec Flash Player 9)
    Le mouvement chaotique s’apparente aux états de dissociation interne rencontrés chez les sujets victimes d’inadaptation au travail posté ou après les décalages horaires (et les anesthésies générales).

    La "dissociation interne" se traduit par une plainte de fatigue.
    De nombreux troubles fonctionnels rencontrés en médecine générale pourraient avoir leur origine dans des désordres chronobiologique de cette nature.
    (Voir "syndrome d’hyposommeil").


    Déplacez les différents curseurs avec votre souris. (Réalisation G. Tulloue sous FlashPlayer9).

    Au Total

    Le travail posté nécessite des compétences somnologiques individuelles particulières.

    Les sujets du soir, souples et courts dormeurs sont avantagés car ils peuvent mieux supporter la dette de sommeil que constitue très souvent le travail posté.

    Nb. De tels sujets consultent parfois pour insomnie lorsqu’ils retournent à un rythme de sommeil normal car ils sont alors incapables génétiquement (insomnie constitutionnelle) de dormir autant qu’ils le souhaiteraient (insomnie de conditionnement).

    En dehors de ces exceptions, l’adaptation au travail posté impose une bonne connaissance des règles de régulation du sommeil.
    Le sujet qui veut contrôler son rythme de sommeil doit parfaitement "savoir dormir".
    La "Sieste" est un somnicament très précieux et efficace pour compenser la dette de sommeil inhérente à un rythme non physiologique de travail.
    La pratique d’un sport est également un atout validé pour améliorer la tolérance au travail de nuit.

    Réfléchissez sur votre rythme chronobioloqique à partir d’un test : "Quel dormeur êtes-vous donc ?", un outil interactif pour vous aider à déterminez votre chronotype.


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    Quelques liens externes pour en savoir plus...