Sommeil et médecine générale

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Apnées du sommeil

"Enfin tout le monde éprouvait une exaltation prodigieuse, excepté le groom joufflu,
qui dormait au tonnerre du canon aussi profondément
que si ç’avait été la chanson habituelle de sa nourrice."

Charles DICKENS (1836) ,"Les Papiers posthumes du Pickwick Club" Chap. IV

samedi 30 décembre 2006, par guilhem

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Fat joe, le domestique obèse et somnolent de l’Auberge de la Croix d’Or de Rochester
Charles Dickens 1836.

Un ronfleur pathologique se considère souvent comme un "bon dormeur" . Il ne rapporte, en général, aucun souvenir désagréable de ses nuits (contrairement au sujet insomniaque qui sait, lui, combien la nuit est longue).
Pathologie identifiée depuis 1965 chez des sujets obèses [1] et somnolents, le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAS) a été défini en 1972.
Son traitement qualifié de "révolutionnaire" date de 1981.


25 ans après, plus de 100.000 personnes en France, bénéficient grâce à cela d’une espérance de vie normale (mais on estime qu’il reste quatre fois plus de malades à dépister). Le dépistage du SAS reste de nos jours trop tardif (et mal codifié).


Le SAS pose pourtant plusieurs problèmes :

  • - somnolence excessive : baisse de performance et risque accidentologique... ;
  • - complications pathologiques : infarctus, obésité, diabète ...


Voir aussi l’article "Ronflement simple

Syndrome d'Apnées du Sommeil

Syndrome d’apnée-hypopnée du sommeil

Le ronflement pathologique doit pouvoir se dépister à l’interrogatoire d’un sujet qui ronfle et qui somnole dans la journée ( Cf. "Somnolence Diurne Excessive"), et ce, tout particulièrement s’il existe d’autres facteurs de risques cardiovasculaires.
À l’inverse du ronflement simple, il est souvent permanent, intervient dès l’initiation du sommeil et surtout présente de nombreuses pauses respiratoires : les Apnées.

L’entourage décrit très bien ces pauses, et ce d’autant plus que la reprise de la respiration est souvent très bruyante et s’accompagne parfois de mouvements importants du corps (les micro-éveils qui rendent compte de la somnolence).

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Apnées du sommeil (plus de 50% du temps).

The posthumous paper of the Pickwick Club, Charles Dickens 1836

Il existe, cependant, de nombreux cas limites ou mixtes où l’interrogatoire et l’examen clinique ne sont pas suffisants.
Le diagnostic nécessite alors un enregistrement polygraphique [2].(et parfois polysomnographique [3]) du sommeil.
Voir l’article : "Exploration Complémentaire du Sommeil"
Cet examen est couramment pratiqué dans les laboratoires d’exploration du sommeil des principaux Chu.

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Laboratoire du sommeil
’source http://www.medbo.de/555.0.html)


Il est relativement simple à mettre en œuvre à domicile au moyen d’un petit enregistreur portatif. (Cf.iconographie du sommeil)

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Polysomno Ambulatoire


SARVAS (Syndrome d’Augmentation de Résistance des Voies Aériennes Supérieures)

Dans un premier temps de la maladie, le sujet qui souffre de ronflement pathologique doit augmenter ses efforts musculaires pour respirer.
Lorsque le débit diminue on parle d’hypopnées, qui sont des ralentissements significatifs (plus de 10 secondes) du flux respiratoire, associées à un allègement du sommeil (réaction d’éveil) ou à un micro-éveil, parfois associé à des décharges de mouvements des membres.
Lorsque ces efforts occasionnent des micro-éveils en nombre suffisants on pose le diagnostique de SARVAS (Syndrome d’Augmentation de Résistance des Voies Aériennes Supérieures) alors même qu’il n’y a pas encore (à ce stade) de désaturation significative.

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Hypopnées Centrales avec Crescendo


On recherche des phénomènes d’accélération et ralentissement de la respiration (crescendo et decrescendo) proche de la respiration dite de "Cheyne-Stokes" associés à des baisses de la saturation sanguine en oxygène (SpO2) qui attestent alors de la sévérité du trouble.
À noter qu’à ce stade, le sujet se considère souvent comme un excellent dormeur.

Apnée Obstructives ou Centrales ?

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SAS centr ; et micro-éveil

Lorsque l’obstruction est totale, il se produit une "Apnée obstructive" d’une durée allant de 10 secondes à parfois jusqu’à plusieurs minutes.

De plus, et sans que l’on sache encore très bien pourquoi (on individualise plusieurs sous groupes), chez certains malades, il se produit aussi des pauses dites "Apnée Centrales" parce que les enregistrements montrent une abolition des efforts respiratoires (contrairement aux précédentes).

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Apnées Centrales avec désaturation périodique

Selon certaines hypothèses, les apnées centrales seraient la conséquence d’un trouble de la commande par dégradation des centres neurologiques secondaires aux apnées obstructives.
Certains sujets présentent des apnées « mixtes » ou « complexes » (Complex Sleep Apnea) : à la fois obstructives et centrales plus ou moins associées à des hypopnées.

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Hypopnée puis Apnées Centrale et Apnée puis Hypopnée Obstructive


Le diagnostic de syndrome d’apnées du sommeil (SAS) ne fait pas la distinction entre les différents types d’apnées.
Il repose sur le comptage du nombre d’événements par heure de sommeil : l’Index d’Apnées-Hypopnées (IAH).


Un IAH est pathologique à partir de 30, et anormal à partir de 5/h.


La sévérité du trouble ventilatoire (surtout lorsque l’index est compris entre 5 et 30) est appréciée en fonction de ses conséquences sur le taux d’oxygène sanguin (la SpO2).



Dans tous les cas, la reprise respiratoire intervient à l’occasion d’un allègement du sommeil avec une réaction d’éveil plus ou moins longue.
Le nombre des événements respiratoires est parfois si important que certains ronfleurs n’ont plus du tout de sommeil lent profond.
Les enregistrements permettent de dénombrer et mesurer précisément les phases d’éveil en rapport avec des difficultés respiratoires.
Il n’est pas rare de rencontrer des malades qui additionnent plusieurs heures d’apnées au cours de la même nuit.
Certaines apnées durent plusieurs minutes et ne se terminent que lorsque l’hypoxie (qui peut atteindre moins de 70% de la normale) provoque une réaction d’éveil qui autorise la reprise d’une respiration volontaire.


NB Souvent, le dormeur ne garde aucun souvenir de ces micro-éveils d’origine respiratoire.
(Au contraire, il est satisfait de ses siestes et, le soir, s’endort en moins de 5 minutes !).
Cette situation occasionne un retard de diagnostic parfois dramatique.


Complications médicales du SAS

    Conséquences de la fragmentation du sommeil :

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      Apnée et Micro-éveil
    • La fragmentation répétée du sommeil provoque un tableau d’insuffisance du sommeil dont le principal signe est une « Somnolence Diurne Excessive » (SDE).

      Elle est parfois très importante sans que le sujet n’en ait conscience car un certain nombre de préjugés vis-à-vis du sommeil ou de la sieste sont source d’un important retard de diagnostic.
      De nombreux malades accomplissent leur vie quotidienne malgré des épisodes de somnolence diurne parfois lourds de conséquences (les statistiques sur les accidents de la circulation ou du travail l’attestent depuis des années).
      Selon nous, la pratique systématique de la sieste (chez un adulte qui dort la nuit) devrait conduire à pratiquer un bilan somnologique.
    • Les autres signes cliniques sont moins spécifiques mais peuvent représenter des points d’appels :
      • On retrouve « classiquement » des céphalées matinales, accompagnées d’un retard à la mise en train.
      • On évoque des problèmes de "fatigue" (parce que le sujet diminue son activité) des problèmes de concentration.
        En réalité ils sont inconstants et la SDE induite par le SAS est souvent longtemps masquée ou bien tolérée par le malade.
      • La fragmentation du sommeil peut favoriser les "parasomnies" (Cf.)
    • Deux manifestations cliniques atypiques peuvent conduire à des erreurs diagnostiques :
      • tableau pseudo-psychiatrique : dépression, démence ... :

        Les conséquences cumulées de la fatigue et de la somnolence ont des répercussions parfois sévères sur les fonctions intellectuelles et sexuelles.
        Selon l’âge du sujet et son degré d’épuisement, on évoque parfois, par erreur, les notions de dépression masquée ou de démence type Alzheimer devant une plainte de mémoire et de concentration chez un sujet ronfleur qui a "toujours fait la sieste".
      • tableau pseudo-prostatique.
        Le sommeil du ronfleur pathologique est quasiment toujours fragmenté par le besoin d’uriner. Cette diurèse excessive (pollakiurie) nocturne est due à des modifications de plusieurs hormones qui limitent la diurèse durant le sommeil. [4]

        Nb. Ces éveils sont remarquables par le fait qu’ils ne sont pas suivis d’insomnie, contrairement aux mictions incessantes dont se plaint le mauvais dormeur qui n’arrive pas à se rendormir.

        Au début, le sujet encore jeune trouve normal de se lever pour uriner (et parfois pour boire) plusieurs fois dans la nuit. Par contre, quand vient l’âge de la "prostate" la part d’un SAS dans une "pollakiurie nocturne" n’est pas assez prise en compte. Il n’est pas rare de voir mettre sur le compte d’une obstruction prostatique (avec parfois une sanction chirurgicale « de confort ») la gène de celui qui est obligé de fractionner son sommeil pour aller vider sa vessie.

    Conséquences de l’hypoxie :

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    Le vrai Fat Joe ?

    La privation d’oxygène consécutive aux apnées, conduit à des perturbations métaboliques et cardio-vasculaires à moyen et long terme.

    • Les baisses de la saturation de sang en oxygène favorisent et aggravent les pathologies cardio-vasculaires (hypertension, infarctus...) et sont souvent la cause de leur décompensation aiguë au cours du sommeil (à l’occasion d’un trouble du rythme cardiaque par exemple).
    • Il se produit un excès d’insuline qui augmente le risque de diabète et d’obésité (par "hyper-insulinisme") [5]
      Il a été prouvé par ailleurs que la privation de sommeil est un facteur de risque d’obésité (notamment durant l’enfance) en tant que tel ce qui constitue un cercle vicieux. Les rapports entre le sommeil et le poids ne sont pas tous élucidés mais les "Hypocrétines" et les "Leptines" sont des hormones qui offrent d’importantes voies de recherche.
    • Par ailleurs, la stimulation d’une hormone cardiaque (FAN, Facteur Natriurétique Auriculaire) provoque une réaction hypertensive qui vient se surajouter au déficit d’ADH (effondrement de cette hormone anti-diurétique due à la disparition du sommeil lent profond) pour provoquer une pollakiurie nocturne importante. Ce besoin d’uriner et de boire la nuit avec la notion d’un ronflement « bizarre » chez un bon dormeur est très évocateur d’un SAS.


Diagnostic :

Il existe actuellement des critères de diagnostic basés sur les enregistrements du sommeil.
C’est la polygraphie simple qui est de plus en plus pratiquée en France, notamment par les pneumologues avec une lecture automatisée des enregistrements respiratoires et de la saturation du sang en oxygène. Des enregistrements ambulatoires (au domicile du malade) sont de plus en plus facilement réalisables.

La polysomnographie (PSG) nécessite l’analyse visuelle du tracé par un opérateur entraîné pour déterminer les conséquences des apnées et surtout des hypopnées sur le sommeil. Elle est plus fastidieuse à mettre en route mais il est également possible de la pratiquer à domicile.

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Polysomno. Ambulatoire

Une exploration plus complète est parfois nécessaire au cours d’une hospitalisation courte dans un laboratoire du sommeil (au CHU). Elle permet notamment d’enregistrer les pressions intra-œsophagiennes, la vidéo nocturne, et certaines voies EEG plus spécifiques et dans la journée, l’enregistrement des siestes itératives ou des tests de maintien de l’éveil.


Traitement :

Il fait d’abord appel aux grands principes hygiéno-diététiques.
Si c’est le cas, on doit insister sur le l’effet aggravant du surpoids (et de la sédentarité), de l’alcool, du tabac et des médicaments (sédatifs, bétabloquants et autres).

L’ablation chirurgicale de la luette et du palais (Uvpp) et la sclérose (aux ultras sons) du pharynx n’ont pas fait la preuve de leur efficacité indiscutable au long cours.
NB. Chez l’enfant par contre, il peut être très efficace de procéder à l’ablation d’amygdales hypertrophiées qui peuvent constituer un important obstacle sur les voies aériennes.
On assiste parfois à un rattrapage d’un retard de taille (par augmentation de l’hormone de croissance), ou un arrêt de l’énurésie.


En dehors de quelques exceptions, le ronflement pathologique ne connaît guère d’autre traitement efficace que le port d’un masque respiratoire durant toute la nuit.

Ce traitement appelé PPC (pour Pression Positive Continue) est considéré comme révolutionnaire depuis 1981 (avec les travaux de Sullivan, un médecin australien).

Selon le type d’apnée (centrales, obstructives ou mixtes (associées)), il existe plusieurs types d’appareils proposés par des sociétés de services et pris en charge par les caisses de sécurité sociale.

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Appareil à "Cpap"
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Appareil à "BiPap"

L’efficacité de la respiration assistée par pression positive continue (PPC ou Cpap) ou alternée (BI-Pap) a été prouvée au long cours notamment sur la réduction du risque cardiovasculaire. La participation du malade est essentielle et parfois délicate mais l’expérience montre que les sujets "gros apnéiques" acceptent sans difficulté la contrainte du masque nocturne.


Certains systèmes destinés à modifier légèrement l’espace pharyngé sont en cours d’évaluation.
Il s’agit de dispositifs en silicone moulés sur mesure, qui entraînent une discrète avancée de la mâchoire, ce qui favorise le passage de l’air dans le pharynx au cours du sommeil.


Ces "orthèses d’avancée mandibulaires" (OAM) sont adaptées par les dentistes agréés et présentent l’avantage d’être souvent mieux acceptées, notamment chez les patients plus jeunes. Elles ont été primées en 2005 par l’agence d’innovation thérapeutique (l’ANVAR).
Leurs résultats semblent à l’heure actuelle intéressants chez certains malades mais inconstants chez d’autres. De nombreuses études sont en cours pour en préciser les indications.



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Quelques liens externes pour en savoir plus...

Portfolio

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Ronflement et apnées onstructives désaturantes

[1Le terme syndrome de Pickwick provient de la description de "fat Joe" dans les Pickwick’s papers de Charles Dickens. On la considère comme la première description du syndrome d’apnée du sommeil. Lire le texte de Charles Dickens, 1836 : "The posthumous paper of the Pickwick Club".
On c’est aperçut par la suite que l’obésité ne jouait qu’un rôle aggravant, certains sujets apnéïques sont de corpulence normale comme vient de le confirmer un étude très récente.

[2Polygraphie (PG) : enregistrement (simple à réaliser et à interpréter) des mouvements respiratoires, du souffle nasobuccal et de la teneur en oxygène du sang

[3Polysomnographie (PSG) : enregistrement (lourd et d’interprétation plus longue) de tous les paramètres nécessaires à l’interprétation du sommeil et des événements qui lui sont associés (essentiellement respiration et mouvements)

[4Baisse d’une hormone appelée "Hormone Anti-Diurétique (ADH)" qui dépend de la qualité architecturale du sommeil. Quand le sommeil est de bonne qualité, l’ADH est sécrétée toute la nuit (en fin de chaque cycle de sommeil). Dans le cas contraire la personne est obligée de se réveiller pour aller aux WC.
Augmentation de la production de "Facteur Natriurétique Auriculaire" (FAN) due à l’hyper-pression thoracique au cours des apnées. (Son dosage est très perturbé dans les SAS sévères).

[5La proportion des personnes en surpoids ou obèses a progressé de 36,7% à 41,6% entre 1997 et 2003, soit une augmentation de 13%. Sur la même période, les Français ont grossi de 1,7 kg, et l’obésité massive (ou dite morbide) a doublée.